LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Histoire de Tönle" - Mario Rigoni Stern

"Dès que la neige s’en fut allée en mille ruisseaux, tous les prés se revêtirent de blancs crocus aussitôt visités par les abeilles, et à la mi-avril les mélèzes fleurirent avec le chant du grand tétras ; début mai, les hêtres endossèrent à leur tour leur parure : un beau vert éclatant qui tranchait sur le noir des sapins."

C’est l’histoire d’une vie. Celle de Tönle Bintarn, membre d’une petite communauté issue d’une minorité ethnique d’origine bavaroise, les Cimbres, installés depuis plusieurs siècles dans les Alpes du nord-est italien. Peuplant des villages relativement isolés où ils vivent de manière rudimentaire, ils ont conservé une forte tradition d’autonomie et de solidarité, ainsi que le parler de leur dialecte étrange et ancien. La localisation stratégique de leur territoire les fait alternativement basculer, au cours du XIXème siècle, d’une domination autrichienne à une domination italienne.

Au moment où nous faisons sa connaissance, Tönle, après avoir été soldat puis sapeur dans l’armée, assure la subsistance des siens grâce à la contrebande. Il vit avec son épouse dans la petite maison qu’a construit un de ses aïeux, sur le toit de laquelle une graine lâchée par une grive a fait pousser un cerisier sauvage. Ayant blessé un douanier lors d’une tentative d’arrestation, Tönle est contraint à une longue fuite. Des années durant, il parcourt à pied les terres de l’Empire austro-hongrois jusqu’aux Carpates, se faisant colporteur, écorceur, éleveur de chevaux… revenant malgré tout passer chaque hiver dans sa famille, y découvrant tantôt une nouvelle fille, tantôt un nouveau fils.

L’amnistie prononcée au début du XXème siècle à l’occasion de la naissance d’un héritier du trône d’Italie met fin à sa cavale. Tönle se fait alors berger. Si son ouverture d’esprit et sa capacité d’adaptation lui avaient permis de s’enrichir de ses vagabondages et d’y prendre du plaisir malgré les moments de nostalgie provoqués par l’éloignement de son foyer, son caractère solitaire s’accommode tout aussi bien de sa nouvelle condition. Riche de savoirs acquis grâce à ses nombreuses rencontres et à sa grande curiosité pour l’Histoire, il sait se faire comprendre en trois ou quatre langues, et s’est intéressé à ces nouvelles idées auxquelles il est sensible, qui parlent de socialisme et de groupements ouvriers. Mais ses moutons aussi le passionnent, et le spectacle quotidien de son paysage de montagne ou du passage des saisons, ainsi que son aptitude/faculté à jouir de plaisirs simples -une soupe de tripes, le souffle rafraichissant d’une brise, la chaleur nocturne du corps de sa femme…- l’investissent naturellement de la conscience de la vanité de l’agitation humaine… 

Arrive un moment où le fracas du monde vient rompre l’isolement et la tranquillité de Tönle et des siens. Lors de la Première Guerre mondiale, devenu le théâtre de combats acharnés opposant les armées autrichiennes et italiennes, fauchant les hommes et les arbres, leur territoire est dévasté.

Dans un cadre naturel qu'un lyrisme subtil rend omniprésent, l’histoire de Tönle nous est contée avec une sobriété qui met en valeur cet émouvant personnage d’homme humble et solide, dont l’existence est marquée par la fidélité à des principes d’humanisme et une sagesse quasi instinctive se manifestant entre autres par la dimension aussi parcimonieuse qu’essentielle de ses prises de paroles ou sa conviction de l’absurdité de la guerre. 

Une bien jolie découverte.


Une lecture commune autour de Mario Rigoni Stern avec NathalieDoudoumatous, Eimelle et Keisha, qui me permet par ailleurs de participer une seconde fois au challenge italien proposé par Evasion Polar.

Commentaires

  1. L'expression va sembler naïve par rapport au sujet évoqué et la puissance de l'écriture mais ce roman a été un véritable coup de cœur pour moi.

    RépondreSupprimer
  2. Il est bien réussi celui-là, tout le récit d'une existence. Je me rends compte que ce n'est pas toujours facile de sélectionner des passages pour les citations - signe de cette sobriété dont parlent plusieurs billets. Le récit ne pèse pas, ne s'attarde pas.
    Si tu réussis à mettre la main sur Le lieutenant dans la neige, je te le conseille vivement.

    RépondreSupprimer
  3. Je vais devoir noter ce titre ...

    RépondreSupprimer
  4. Le voyage me tente bien !

    RépondreSupprimer
  5. Une lecture commune qui me fait découvrir cet auteur et je note ce titre ! Merci pour la découverte. J'ai une réticence marquée pour la soupe de tripes, mais je suppose que ce n'est pas le sujet ^-^

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Compte tenu des difficultés pour certains d'entre vous à poster des commentaires, je modère, au cas où cela permettrait de résoudre le problème... N'hésitez pas à me faire part de vos retours d'expérience ! Et si vous échouez à poster votre commentaire, déposez-le via le formulaire de contact du blog.