"Petites choses" - Benoît Coquil
"Si vous croyez aux contours de votre personne, Psilocybe les abolira. Psilocybe vous amplifiera, lèvera les barrières douanières de votre tout petit ego, vous fera arbre parmi les arbres. Vous oublierez ce qui vous distingue de la chaise qui vous soutient, de l’air qui vous emplit, de la pluie tombée sur vous, de la mouche posée sur vous. Psilocybe vous rendra cosmique."
Le héros de l’épopée est Psilocybe, nom qui signifie tête chauve. Lorsque débute ce récit, il est inconnu du grand public, y compris s’il est amateur de champignons (car c’est ce qu’est Psilocybe : un champignon). Et si Gordon Wasson n’avait pas rencontré Valentina, sans doute en serait-il resté ainsi. Lui est fils de pasteur. Il a entretenu dès son plus jeune âge sa passion pour le mystère en s’adonnant à la lecture de Sherlock Holmes et des ancien et nouveau testaments. Elle est une exilée russe, étudiante en médecine, et comme toute bonne russe qui se respecte, elle est adepte et fine connaisseuse des champignons. C’est donc elle qui initie monsieur, le couple s’intéressant plus particulièrement à la manière dont ils sont consommés et considérés : c’est décidé, ils seront "ethnomycologues".
Précisons que les Wasson, instruits et fortunés, ont les moyens de leur passion. Gordon occupe un très haut poste au sein de la banque Morgan (grand nom s’il en est du capitalisme américain), et Valentina est pédiatre. Mais ce sont aussi, tous les deux, des aventuriers. Gordon et Valentina parcourent le monde, se passionnant en particulier pour les psychotropes, dont la réputation aussi mystiques que sulfureuse les attire.
C’est ainsi qu’ils échouent en terre mazatèque, dans un coin isolé du Mexique où certains des habitants vivent encore comme au siècle précédent, et où se pratiquent d’occultes cérémonies nocturnes où les champignons jouent un rôle primordial. Et c’est ainsi qu’ils rencontrent María Sabina, à la fois prêtresse et voyante, qui les initie à ce qu’elle nomme ses "petites choses"… et voilà donc notre Psilocybe, dont on découvre les incroyables pouvoirs hallucinogènes. La sorcière mazatèque les exhorte à la discrétion, mais bien sûr ça dérape…
Il faut dire que l’époque est propice à la fantasmagorie. La molécule du LSD, découverte dès les années 1940 par un laboratoire suisse mais tombée dans l’oubli, est remise au goût du jour par des universitaires adeptes d’expériences transgressives et extatiques, et une certaine jeunesse américaine, en rupture avec ses aînées et une société puritaine et paranoïaque, est en quête de mysticisme et d’émancipation.
En 1957, des millions d’américains découvrent les "petites choses" dans des articles de Life ou This Week, et María Sabina a beau y apparaître sous un faux nom, elle n’a pas été difficile à identifier. Son village, Huautla de Jiménez, devient bientôt l’une des étapes obligées des hippies trail vers Katmandou ou l’Iran.
La culture scientifique occidentale s’approprie Psilocybe, et les pratiques indigènes, renvoyées à une anecdotique ancestralité, sont balayées par l’avide et crédule frénésie de la consommation de masse, dont s’accommode fort bien le goût pour la fantasmagorie évoqué ci-dessus…
Athalie? Sans doute la raison pour laquelle j'ai eu vent de ces noms là. Ou gilsoul? Bon, éventuellement...
RépondreSupprimerVoilà qui semble étrange... au début, je croyais que le champignon était le personnage principal...
RépondreSupprimerIl faudrait que je lise plus souvent ce type de livre. Malheureusement les ouvrages de Benoit Coquil ne sont pas au catalogue de ma bibli (et c'est un peu étonnant car il est maître de conférences à l'Université de Picardie).
RépondreSupprimerJe ne pense pas lire ce roman, mais j'ai eu l'occasion de tester ce genre de champignon il y a une éternité et j'en garde encore un souvenir très puissant et fascinant !
RépondreSupprimerEn effet le psilocybe est bien un champignon hallucinogène...intéressant de connaître cette histoire entre roman et documentaire. Hélas cet auteur est inconnu de mes deux médiathèques. Tu as fait une sacrée trouvaille, originale en tous les cas.
RépondreSupprimerIntrigant, et original... je vais voir si c'est trouvable en médiathèque... si le côté aventureux des bibliothécaires s'est manifesté ! :)
RépondreSupprimer