LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Muse" - Joseph O'Connor

Un charme indéfinissable...

Curieusement, j'éprouve souvent plus de difficultés à exprimer les raisons qui m'ont fait aimer un roman, que celles qui ont occasionné une déception. Je crois que cela tient, dans certains cas, au fait que la beauté du texte s'impose à moi et m'enchante, avec comme conséquence l'envie de me laisser mener docilement par la plume de l'auteur, d'éprouver le plaisir de sa prose sans que me vienne à l'esprit l'idée de l'analyser au risque de perdre une partie du plaisir.

C'est ce qui s'est passé avec "Muse", le dernier roman de Joseph O'Connor. L'écriture y est si envoûtante, elle rend son héroïne si émouvante, que vous ressentez le besoin de relire plusieurs fois certains passages, pour vous en imprégner, les apprécier profondément, et surtout, vous vous efforcez de ne pas lire trop vite, dans l'angoisse du dénuement que vous pressentez à l'idée de la fin d'une si belle expérience de lecture.

L'histoire de "Muse" n'a, au fond, rien de très original. C'est celle de l'amour interdit, contrarié, au début du XXème siècle, entre Molly Allgood, jeune actrice irlandaise, et de l'auteur John Millington Synge.
Tout, a priori, les sépare : le milieu social, l'âge, le caractère... Leur liaison durera à peine deux ans, écourtée par la mort de John qui, atteint d'une grave maladie, n'atteindra pas quarante ans. Et pourtant, des sentiments très forts les unissent.
Chacun d'eux, à sa façon, se veut libre et indépendant. Lui, solitaire, fuyant les obligations mondaines, se livre à son art sans concession, ni tolérer aucune censure, qu'elle soit morale ou religieuse. Son œuvre majeure, "Le baladin du monde occidental", fit scandale dans l'Irlande puritaine et attachée aux conventions de ce début du XXème siècle.
Quant à Molly, sa modeste condition ne l'empêche pas d'être frondeuse et sûre d'elle en toutes circonstances, d'exprimer ses opinions sans complexe.

Leur relation nous est restituée par Molly avec le recul des années. Le récit débute en 1952. La belle et jeune actrice au caractère bien trempé est devenue une femme prématurément vieillie, indigente, alcoolique et solitaire. Nous apprenons fugitivement qu'après son histoire d'amour avec John, elle a été mariée, a eu deux enfants (dont un fils mort à la guerre) et pourtant, c'est la mémoire de son écrivain d'amant qui, trente ans après, la hante sans relâche.
Les souvenirs de cet amour, de sa gloire d'alors, en tant qu'actrice (qui perdurera quelque temps après la mort de John) se manifestent à tout moment, colonisant ses pensées, ses sentiments, rendant plus cruelle et plus amère encore la misère sordide et esseulée qui constitue désormais son quotidien.
Elle donne le sentiment de se raccrocher, pour survivre et ne pas sombrer complètement dans la folie, à des fantômes : celui de son amour perdu, de sa jeunesse, celui d'une autre elle-même qu'elle rend, par la force émotionnelle de ses réminiscences, étonnamment palpable, vivante.

Ne passez pas à côté de ce superbe roman, dans lequel Joseph O'Connor, de son écriture à la fois puissante et poétique, nous révèle toute l'étendue de son talent.

Thomas et Cuné sont eux aussi tombés sous le charme...
Kathel et Sentinelle, en revanche, n'y ont pas succombé...

>> Deux autres titres pour découvrir Joseph O'Connor :

Commentaires

  1. Je me rends compte que j'ai du mal avec les romans poétiques... pourtant quand ils sont trop terre à terre ça ne m'emballe pas non plus !

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  2. C'est peut-être que certaines formes de poésie ne t'interpellent pas...

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  3. Oups, je viens de m'apercevoir de mon erreur sur l'orthographe de ton prénom...
    Je corrige ça de suite !!

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  4. Bonsoir Ingannmic,
    Encore une fois, ton billet m'a convaincue ! J'avais hésité à me lancer dans cette lecture après avoir dû abandonner "Redemption falls" après quelques chapitres : impossible d'accrocher à ma grande déception, alors que j'avais adoré "A l'irlandaise", et surtout "L'étoile des mers": complètement atypique par rapport à que O'Connor avait écrit jusque là. (et à ce que j'ai l'habitude de lire). Comme quoi !
    A bientôt
    Athalie

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    1. Bonjour Athalie,

      Moi aussi, j'ai adoré A l'irlandaise, mais je n'ai pas lu en revanche les deux autres titres que tu cites.
      Et, comme tu l'as compris, j'ai trouvé celui-là magnifique.

      Bonne lecture...

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  5. Très client de Joseph O'Connor moi aussi.

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    1. Son titre A l'irlandaise reste une de mes expériences de lecture les plus marquantes...

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  6. Bon, je m'aperçois que j'y ai mis du temps, un an et quelques mois que j'avais noté ce titre chez toi ... (il faut dire aussi que j'ai attendu la parution de ce titre en poche), mais un conseil de lecture n'est jamais perdu, la preuve ! Donc merci ! Un roman qui a une force et un charme peu formatés, j'ai l'impression ( mais je n'ai pas tout lu de Joseph O'Connor) qu'à chaque roman, il tente une nouvelle incursion dans des genres très différents et tente autre chose que ce qui est attendu. Je pense notamment "A l'irlandaise" où l'intime se fait politique ( ou l'inverse ?),ici on oscille entre biographie documentée et ode à l'amour éternel. Bref, j'ai beaucoup aimé.

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    1. Je suis d'accord avec toi, même si je n'ai lu que trois titres de cet auteur. A chaque fois c'est une incursion dans un univers différent, dont O'Connor saisit avec finesse les problématiques.
      A l'irlandaise reste une des lectures qui m'a le plus marquée, quelle force dans ce roman bouleversant !

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