"La fin du chant" - Galsan Tschinag
Un autre monde.
En quelques deux-cent pages et une intrigue se déroulant sur trois jours, Galsan Tschinag nous dépayse en nous immergeant dans la tranche de vie d'une famille Touva, tribu nomade de Mongolie.
Dès l'entame du récit, le lecteur est confronté à l'âpreté des steppes du Haut Altaï, au cœur d'un quotidien déterminé par un environnement naturel à la fois grandiose et hostile, et les traditions séculaires qui ont permis de s'y adapter.
Dombuk, adolescente débrouillarde et mature, tente avec l'aide de ses frères de faire adopter par une jument qui vient de perdre son petit un poulain que sa naissance a laissé lui-même orphelin. La scène -la résistance de la jument effrayée et pleurant la mort de sa progéniture dont Dombuk a entravé les membres ; la terreur du poulain survivant affamé et recouvert de la peau du petit défunt pour l'imprégner de son odeur- exhale une violence qui rend l'entrée dans le roman abrupte.
Pendant que Dombuk et ses frères tentent de forcer le cours de la nature, leur père Schuumur est parti en quête des chameaux indispensables à la poursuite de leur route. Dans le sens inverse, son ancienne maîtresse Gulundshaa se dirige vers le campement où l'attendent ses enfants. Ayant appris le décès récent de l'épouse de Schuumur, cette femme fière et indépendante pense pouvoir se rendre utile auprès de sa famille.
En alternant le récit du point de vue de ses divers personnages, en nous livrant leurs doutes, leurs souvenirs, l'auteur évoque un monde figé depuis des siècles dans une étrange intemporalité, où la parole des chamans est d'or, où l'on adresse à la terre, à la montagne, au fleuve ou aux animaux, des prières en forme de chants. Un monde de lutte pour la survie, où la mort des enfants est fréquente, où les femmes se plient au bon vouloir des hommes, et où il faut encore subir les invasions régulières des russes, des chinois ou des kazakhs.
C'est seulement lors de l'épilogue, qui se déroule plusieurs années après les faits relatés, que l'auteur évoque la disparition progressive de ce monde, les mutations qui remplacent les yourtes par des habitations de pierres, la liberté du nomadisme par un relatif confort matériel. Les Touvas perdront bientôt même la connaissance de leur langue, et leurs chamans ne font plus recette.
Servi par une sobre poésie qui rend un juste hommage à l'univers à la fois rude et mystique qu'il dépeint, "La fin du chant" est un roman qui vous transporte ailleurs...
J'ai lu ce titre dans le cadre de l'activité Lire le monde, organisée par Sandrine.
>> L'avis de Kathel
>> L'avis de Kathel
Je l'ai lu aussi il y a quelques mois. C'est très dépaysant et instructif sur ce pays.
RépondreSupprimerOui, j'avais vu ton billet, c'est en effet une incursion très intéressante dans une société méconnue, et l'écriture de Galsan Tschinag est très agréable. Je rajoute un lien vers ton article (d'autant plus que je crois avoir été la seule à participer à cette LC que j'ai, il est vrai, initiée...).
SupprimerUn moyen de mieux connaitre ce pays?
RépondreSupprimerUne partie en tous cas, puisque l'auteur se concentre sur une tribu en particulier, mais cela permet de faire connaissance avec une certaine spiritualité et un mode de vie qui nous sont inconnus, et qui sont en train de s'éteindre.
SupprimerIl a l'air mieux que celui que j'ai lu, qui n'était pas mauvais d'ailleurs, mais je n'avais pas grand-chose à en dire. J'ai eu du mal à m'y intéresser. Je réessaierai sans doute de le lire !
RépondreSupprimerJ'ai eu du mal aussi à rédiger ce billet, au départ : il y a dans l'atmosphère de ce récit quelque chose d'impalpable, et de difficile à saisir...
SupprimerBonsoir, je découvre le blog. Et je vois Galsan Tschinag. J'ai beaucoup aimé ce que j'ai lu de lui, de grands voyages. C'est amusant comme coïncidence, je termine la lecture de son " Monde gris " ( la période de son enfance où il a été " éduqué " en Chine ... )
RépondreSupprimerBonsoir Maryline, et bienvenue ici,
SupprimerJe reviendrai sans doute vers cet auteur : ce "Monde gris", notamment, doit être intéressant... et un peu de dépaysement, c'est toujours bon à prendre !
A bientôt.
Ah mais oui tu me rappelles que je l'avais noté. Surtout que je rêve d'aller en Mongolie un jour !
RépondreSupprimerCe doit être un voyage très dépaysant... j'espère que cette lecture te confortera dans ton envie !
SupprimerPile le genre de texte qui me fait un peu "peur" : dépaysement vraiment très radical...
RépondreSupprimerOh, mais ça se lit très facilement, et puis c'est un dépaysement très instructif !
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