"Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père" - Gonçalo M. Tavares
"Si vous voulez un conseil, tâchez d'avoir au moins une partie de votre corps un peu à distance du monde, sinon vous ne survivrez pas".
Voici un roman aussi singulier qu’envoûtant, que l'on referme avec le sentiment de ne pas avoir compris grand-chose, sans pour autant que cela provoque la moindre frustration...
Il débute par une rencontre, dans la rue, entre Hanna, une adolescente trisomique, et le narrateur, un homme dont on devra se contenter de savoir qu'il est en fuite, rencontre qui sera suivie de beaucoup d'autres, toujours improbables, parfois inquiétantes, mais souvent très touchantes.
Hanna, qui n'a sur elle, lorsqu'ils font connaissance, qu'un classeur composé de fiches éducatives pour personnes handicapées, dit être à la recherche de son père. Elle ne peut dire son nom, sous peine de se voir arracher la langue et les yeux, mais le prétend à Berlin, où se rend alors le duo nouvellement formé. Ce voyage, et la recherche de ce père innommé, sont rythmés par une succession de portraits, ceux des hommes ou des femmes que croisent ou interrogent nos deux héros, le sourire perpétuel et la spontanéité innocente d'Hanna facilitant les contacts, d'emblée bienveillants, et suscitant les confidences.
On trouve ainsi dans ce savoureux roman le membre d'une fratrie de colleurs d'affiches qui, à travers le monde, tentent de réveiller les consciences, d'appeler les hommes à une rébellion pacifique ; un affable antiquaire qui reporte, "pour garder le cap", une suite infinie de nombre pairs dans le manuscrit entamé par son grand-père ; un rescapé des camps qui est parvenu, au fil du temps, à réduire suffisamment l'ensemble de ses possessions pour qu'elles ne représentent plus qu'une partie négligeable de son poids, le but étant d'être, en cas de fuite, le plus léger possible ; un sculpteur de l'infiniment petit, dissimulant parfois, dans l'invisibilité de ses œuvres microscopiques, des déclarations d'amour... et beaucoup d'autres...
Les rencontres avec chacun de ces êtres extraordinaires sont comme des prétextes à autant de fables que l'on soupçonne porteuses d'un symbolisme difficilement déchiffrable, mais qui nous imprègnent d'un sentiment diffus de menace poussant à l'errance, de quêtes vaines car utopiques mais dont la poursuite même est pourvoyeuse de sens et d'espoir, de tentatives attendrissantes d'invraisemblance pour contrer la cruauté éternelle du monde...
Ce contexte sous-jacent -car jamais clairement énoncé- dote le roman d'une texture assez sombre, toutefois contrebalancée par la poésie que dégage l'étrangeté de ses personnages et cette sérénité qu'ils semblent retirer de la certitude que, peu importe le résultat, ils auront déployé les subterfuges nécessaires et adaptés à leur survie.
tiens pourquoi pas, tu as éveillé ma curiosité!
RépondreSupprimerA lire, parce c'est d'une poésie étrange, le sens est un peu opaque mais la lecture facile, et c'est un roman au charme très prégnant.
SupprimerJ'allais faire une blague de mauvais goût et puis j'ai tout effacé au dernier moment, maintenant je ne sais plus quoi dire… :-) (Goran : https://deslivresetdesfilms.com )
RépondreSupprimerTu n'aurais pas dû, nous sommes entre nous !...
SupprimerJe suis ravie que tu aies choisi un autre titre que ceux que j'ai lus car du coup, ça me permet d'orienter mes choix pour mon prochain Tavares.:) Et ce roman-ci me dit bien à la lueur de ton billet. Très belle couverture aussi. Ta première phrase résume très bien le cas Tavares. En tout cas, j'avais ressenti un peu de ça avec Matteo a perdu son emploi. C'est un auteur intrigant dont on a envie d'explorer davantage l'univers une fois qu'on a goûté à sa plume.
RépondreSupprimerEt plus le temps passe, plus je réalise que cette lecture m'a laissé une empreinte forte... je lirai sans doute par la suite M. Klaus et la politique. Et je te recommande fortement celui-là, il est très beau !
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