LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Elle danse dans le noir" - René Frégni

"Soudain elle me rend beau. Aussi beau que son visage. Et c'est comme si je venais à l'instant de la créer".

C'est comme de lire un long poème en prose. Vous vous attardez sur chaque phrase, vous vous répétez certaines des images pour vous en imprégner.

C'est comme si René Frégni écrivait à la fois avec ses tripes et avec une maîtrise acérée mais paraissant naturelle de la langue. Comme s'il était investi d'un don permettant de trouver le mot parfaitement juste pour exprimer ce qui bouillonne, hurle, pleure, ou rayonne en lui. Lui qui pourtant détestait l'école, sa quasi cécité l'empêchant de saisir les mots écrits au tableau, malgré sa volonté de s'asseoir près de la fenêtre pour avoir plus de lumière...

Mais ce n'est pas de son enfance qu'il est ici question. Quoique...

Quitté par sa compagne Ève, après vingt ans de vie commune et une petite Marilou âgée de six ans, il subit sa douleur et sa nouvelle solitude sous la chaleur caniculaire d'un été, qui lui en rappelle un autre : celui, quatre ans auparavant, de l'agonie de sa mère.

Il mêle ainsi, en ce récit très bref mais très riche, les souvenirs de cette fin de vie qu'il a accompagnée, liés au vibrant hommage rendu à cette mère adorée alimenté de réminiscences enfantines éblouies par cette passion filiale, et les émotions que suscite le départ de sa compagne.

L'ensemble retentit d'un immense cri d'amour, celui qu'il éprouve et qu'il manifeste, mais aussi celui dont il a un poignant besoin. Amour de fils, inconditionnel et structurant, amour galvanisant d'amant, amour de père, enfin, chastement charnel, serein et émerveillé...

"Elle danse dans le noir" est ainsi une rencontre immensément touchante avec un homme à la sensibilité exacerbée, loyal, sincère et généreux, aimant sans mesquinerie ni compromission, dont la capacité à l'introspection n'empêche pas l'ouverture aux autres et une profonde empathie.

Avec simplicité et éloquence, il sait dire les petits gestes qui expriment beaucoup. En rythmant son texte d'une musicalité harmonieuse, comme s'il avait trouvé l'accord parfait entre sa plume et ses pensées, le fil de ses douleurs et de ses réflexions, il évoque la souffrance de la perte et la maladie, la trahison du corps qui décline et se dessèche, ses manifestations malodorantes, la laideur de cet étiolement, et c'est pourtant, à travers le prisme de son irréductible affection, beau à pleurer.

A la violence de la souffrance provoquée par ces deux pertes, contrebalancée par ce recommencement que représente sa relation si forte avec sa fille, succède peu à peu une acceptation qui l'apaise, comme si d'écrire sa détresse lui permettait de l'apprivoiser.

"Les mots nous sauvent de tout. Ils remontent de si loin. Ils nous viennent de nos mères".

Commentaires

  1. Encore une autofiction française... oui je sais, je bougonne, mais bon... si l'écriture est belle... je n'en ai lu que du bien, cependant, je ne suis pas disposée pour l'instant. Un jour peut-être... Un peu haché ce commentaire !

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    1. N'hésite pas à te laisser tenter, il est très très court, et surtout très beau (certes je me répète...).

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  2. Tu as profondément apprécié, on dirait. Tu penses qu'il pourrait m'aller?

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    1. J'ai vraiment aimé son écriture et sa sensibilité jamais larmoyante. J'ai du mal à imaginer qu'il pourrait ne pas plaire, et je pense, oui, qu'il pourrait te convenir !

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    2. À voir, donc, s'il croise ma route.

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  3. Beau à pleurer, tu as tout dit ...

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