"Bienvenue au club" - Jonathan Coe
Séance de rattrapage (1).
En écoutant Jonathan Coe s'exprimer sur son dernier titre "Le cœur de l'Angleterre", lors de sa venue à l'Edition 2019 de Lirenpoche de Gradignan, j'ai bien compris qu'il était conseillé, avant de le lire, de faire la connaissance de Benjamin Trotter au moment où tout avait commencé...
C'est désormais chose faite, avec les lectures successives de "Bienvenue au club" et "Le cercle fermé" (dont je vous parlerai dans les jours qui viennent).
C'est une véritable immersion dans l'Angleterre des années 70 à laquelle nous invite Jonathan Coe avec le premier. C'est toutefois la facette d'une Angleterre plutôt privilégiée qu'il nous présente, celle de la classe moyenne de Birmingham, cité tranquille, cossue, où le nombre de noirs que vous croisez dans une journée, voire en une semaine, peut se compter sur les doigts d'une main...
Nous y suivons un groupe d'adolescents, dont ce fameux Benjamin, garçon discret et introspectif qui va trouver Dieu grâce à la découverte providentielle d'un maillot de bain, mais aussi ses amis : Doug le passionné et le sérieux Philip, Harding le trublion de service, Culpepper, salaud notoire, Steve, unique noir du lycée, d'autant plus détesté par ceux qui le surnomment Banania qu'il est excellent élève et athlète accompli... et beaucoup d'autres. Comme tout adolescent, ils s'essaient à la musique, entretiennent des rêves grandioses ou modestes, Benjamin celui de devenir un grand compositeur, Doug de voir un de ses articles paraître dans le journal du lycée... Les filles, bien sûr, les préoccupent aussi beaucoup... Benjamin, désespérément amoureux de la belle, dédaigneuse et inaccessible Cicely, ignore l'attrait qu'il exerce sur Claire, que Doug tente en vain de séduire...
La génération précédente, représentée par les parents de ces lycéens, n'est pas en reste dans la foisonnante galerie de personnages qu'anime l'auteur, avec Colin, le père de Benjamin, cadre supérieur de l'usine qui fait vivre une bonne partie de la population de Birmingham, Bill, celui de Doug, syndicaliste et accessoirement amant de Miriam, la sœur de Claire, les Chase, parents de Philip, couple dont la tranquillité va être troublée par le coup de foudre d'un professeur de dessin surnommé "plume dans le C..." pour Sheila.
Autour de deux drames qui vont hanter le récit -la disparition inexpliquée de Miriam, et le décès dans un attentat du petit ami de Lois, la sœur de Benjamin-, Jonathan Coe orchestre avec une parfaite cohésion, tout en jouant sur la diversité des procédés narratifs, l'interpénétration entre destins individuels et contexte social, culturel et politique.
Et on s'y croit vraiment, parmi pattes d'éph', cols pelles à tartes ou vestes en velours côtelé, porté par une bande-son inspirée du punk-rock, mais aussi d'une réjouissante inventivité dont émergent toutefois le pire comme le meilleur. Mais les années soixante-dix, comme nous le rappelle "Bienvenue au club", sont aussi celles d'une "sinistre étrangeté", qui ont vu des groupes de tordus militaristes projeter de créer des milices pour se protéger des immigrés, ont été témoins de l'émergence d'un National Front apparaissant comme une force avec laquelle il allait falloir compter et des mouvements anti-irlandais alimentés par les attentats de l'IRA, de revendications sociales parfois réprimées avec brutalité et mépris...
En virtuose de la densité, Jonathan Coe rend son récit passionnant, complexe (mais accessible), et en même temps extrêmement vivant et réjouissant, car doté d'une énergie et d'un humour qui, même lorsqu'il se fait cynique, est susceptible de provoquer chez le lecteur d'intempestifs éclats de rire !
Un autre titre pour découvrir Jonathan Coe : Testament à l'anglaise.
Ah je me les relirais bien, tiens... (je me souviens toujours de la scène de l'attentat)
RépondreSupprimerCela ne m'étonne pas, c'est une scène qui prend de court, je ne l'avais pas vue venir, et elle m'a assommée !
SupprimerJ'ai lu en décembre " Le coeur de l'Angleterre ", attirée par le sujet. C'était ma première lecture de l'auteur, cela n'a pas gêné cette lecture, mais je suppose que certains liens auraient été plus évident. Sinon, les personnages sont bien présentés ( avec de brefs rappels permettant de comprendre les conséquences ), bien campés. Si je relis J.Coe, ce sera avec Testament à l'anglaise. En attendant, je suis curieuse de ta lecture de ce " Coeur de l'Angleterre " ( que je n'ai pas pris la peine de chroniquer sur le blog, juste une brève sur un groupe ).
RépondreSupprimerJ'attendrai sa sortie en poche, pour lire Le cœur de l'Angleterre, et en attendant j'ai N° 11 sur ma PAL. Et tu verras, Testament à l'anglaise est vraiment génial !
Supprimerje ne l'ai jamais lu (j'ai eu testament à l'anglais mais je ne l'ai pas conservé) enfin ma PAL n'en a pas besoin mais c'est bien de voir que tu as aimé !
RépondreSupprimerQuel dommage, Testament à l'anglaise est excellent, d'une réjouissante férocité..
SupprimerBon, comme Marilyne j'ai commencé par le dernier, et j'ai adoré, il ne me reste plus qu'à découvrir les deux autres !
RépondreSupprimerIls sont très bons aussi. J'avoue une petite préférence pour Bienvenue au Club, toutefois (peut-être parce que je l'ai trouvé plus dépaysant, se déroulant dans les années 70...).
SupprimerJe n'ai lu pour l'instant que "La vie très privée de Mr Sim" et je dois avouer que cela ne m'a pas laissé un souvenir inoubliable. Ce titre me semble être une bien meilleure entrée en matière ! (Patrice - Et si on bouquinait)
RépondreSupprimerJe crois que "Mr Sim" n'est en effet pas réputé être son meilleur titre.. J'ai commencé sa découverte avec Testament à l'anglaise, que je te recommande autant que celui-ci, voire plus !
SupprimerAaaah ton billet me rappelle qu'on s'était parlé d'une LC Jonathan Coe il y a un moment, et depuis mon seul et unique Coe, je n'ai toujours rien lu de l'auteur... Je vais essayer de le caser cette année, merci pour ce rappel ! :) Et peut-être avec ce titre d'ailleurs.
RépondreSupprimerC'est vrai j'avais oublié aussi ! Tiens-moi au courant, on pourrait se faire une LC avec deux titres différents (et comme j'ai l'intention de lire Le cœur de l'Angleterre et N° 11...)
SupprimerBon bon bon... Jonathan Coe ici. Jamais lu, moi! Je devrais?
RépondreSupprimerOui ! On retrouve un peu dans ce titre une structure narrative à la Russo, d'ailleurs, avec des allers retours entre de nombreux personnages, et parfois entre époques. Et ses héros sont très bien campés..
SupprimerOkidou. Dis comme ça, ça me tente d'autant plus!
SupprimerJe suis sûre qu'il te plaira...
SupprimerGrâce à toi, j'ai appris que le personnage du dernier Coe est déjà apparu à plusieurs reprises... Maintenant que tu as lu tous les volumes, penses-tu qu'on y gagne à avoir lu les premiers avant d’attaquer le dernier ?
RépondreSupprimerNon, non, je n'ai pas encore lu le dernier ! Mais dans tous les cas, les deux premiers sont très bons, on est donc forcément gagnant !
Supprimerj'ai attendu de manière à les lire dans l'ordre, mais quand???
RépondreSupprimerAh, c'est l'éternelle question... Sache juste que j'ai dévoré les deux premiers en moins de 2 semaines. Bien qu'assez volumineux, ils se lisent très facilement !
Supprimerje me rappelle la manière dont j'ai dévoré son "Testament à l'anglaise" ...
SupprimerAh, je l'ai adoré aussi, c'est d'ailleurs sans doute mon préféré à ce jour !
SupprimerUn auteur que je n'ai pas lu encore, ce n'est pourtant pas faute d'en avoir envie ..
RépondreSupprimerEcoute ton envie, je suis sûre qu'il te plaira !
SupprimerC'est marrant, je viens de le finir. Je l'ai enfin sorti de ma biblio après plus de 10 ans d'attente et quelle belle surprise! J'ai adoré!!!
RépondreSupprimerC'est toujours un plaisir que de tomber sur des pépites qui dormaient sur nos étagères... Tu n'as plus qu'à lire Le cercle fermé, si tu veux retrouver Benjamin et consorts... il est très bien aussi.
SupprimerIl est évident que j'ai hâte de les retrouver :-)
SupprimerMoi aussi, avec Le cœur de l'Angleterre, mais j'attends toutefois sa sortie en poche, j'espère que'elle ne tardera pas trop...
SupprimerBonsoir Ingannmic, tu donnes envie de relire les deux titres avec Benjamin Trotter. Mais on peut facilement lire Le coeur de l'Angleterre dans les avoir lus. Bonne soirée (et c'est vrai le Brexit, c'est pour dans une semaine).
RépondreSupprimerBonjour Dasola,
SupprimerJ'avais bien compris que Le cœur de l'Angleterre pouvait se lire indépendamment de ces deux titres, mais comme j'avais adoré Testament à l’anglaise, je me suis dit que c'était l'occasion d'approfondir ma découverte de cet auteur, et c'est peu dire que je ne le regrette pas ! Et tu as raison, oui, de rappeler que le Brexit est imminent...
AH! les années 70 ! Finalement, chaque époque a ses tordus, ses violents, qui sont contre la liberté des autres ! Il y a longtemps que je n'ai pas lu Jonathan Coe. Peut-être... Quel est le meilleur ? S'il y a une LC tu m'avertis ?
RépondreSupprimerOui, c'est malheureusement une constante... on retrouve de ces tordus dans Le Cercle fermé, et j'imagine que dans Le cœur de l'Angleterre aussi... Pour la LC, bien sûr, pas de souci, quoique A_girl ne m'a pour l'instant pas répondu. Est-ce que tu avais lu mon dernier commentaire sur celle que nous avons prévue : je te proposais de caler la LC du Lambeau pour le 6 avril, est-ce que cela te convient ?
SupprimerTrès bien pour le 6 avril. merci pour la LC de Coe
SupprimerMince, je ne sais plus ce que je fais, moi. Comme je l'indique en réponse à ton autre commentaire, je n'ai pas relu le bon commentaire... bref, je m'emmêle les pinceaux, tout ça pour te dire que non, on ne programme pas le 6 si tu n'es pas là, il n'y a pas d'urgence, je te proposais d'autres dates : 10, le 12, le 17 ou à partir du 23.... désolée pour cet imbroglio !
SupprimerJ'ai adoré "Testament à l'anglaise" et lu "La Pluie avant qu'elle ne tombe" qui m'a moins plu que ce que j'imaginais, et ce titre est dans ma PAL depuis des années. Il faut vraiment que je m'y mette...
RépondreSupprimerOui, vas-y, je suis sûre que tu ne le regretteras pas !
SupprimerMême si certains titres sont moins bons, Jonathan Coe est un des auteurs les plus drôles et les plus féroces que je connaisse. je ne connais pas tout, bien sûr ... Il me semble qu'il peut parler à tous, parce qu'il n'y a pas qu'en Angleterre qu'un National Front a émergé et que les violences sociales se sont construites ...
RépondreSupprimerBien sûr qu'il parle à tous, tu as raison, les mécanismes qu'il dépeint, liés aux dissensions sociales, à la montée des intégrismes, nous sont en effet familiers. En tous cas, je n'en ai pas fini avec cet auteur, l'un de tes chouchous si j'ai bien compris. Quel autre titre me conseilles-tu (à part Le coeur de l'Angleterre et Numéro 11, que j'ai déjà prévu de lire) ?
SupprimerJ'adore son humour ! J'ai ce titre dans ma PAL :-)
RépondreSupprimerDans ce cas, il ne devrait pas te décevoir...
SupprimerJe l'inscris dans les auteurs à découvrir !
RépondreSupprimerOui, très bonne idée, tu peux commencer avec ce titre ou avec Testament à l'anglaise..
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