"David Golder" - Irène Némirovsky
"Dans les affaires on ne sait jamais, il faut tourner, retourner, ronger l’os jusqu’au bout, mais mourir... "
France, milieu des années 20.David Golder est un homme d’affaires brillant et intraitable. Cet émigré juif d’origine russe, issu d’un milieu misérable, s’est fait tout seul, comme on dit. Il a été craint et détesté toute sa vie, a écrasé ceux qui lui voulaient du mal…
Mais son corps, vieillissant, lui envoie ses premières alertes, et son cœur fragile lui impose bientôt de se retirer du monde de la finance, aux dépens de sa fortune qui, bâtie sur le perpétuel engrenage de la spéculation à court terme fond à vue d’œil, sa femme et sa fille refusant de sacrifier la moindre habitude et la moindre dépense de leur luxueux train de vie. Harcelé par cette dernière, dont les extravagants caprices et les incessants besoins matériels éclipsent la gravité de l’état paternel, il cède, et tente un dernier coup de maître sur une affaire qui le mène jusqu’en Russie, et lui coûte ses dernières forces…
Je connais la férocité d’Irène Némirovsky pour avoir admiré, dans d'autres de ses romans, l'insolente virulence avec laquelle l’impitoyable acuité de son regard lui permet de pointer les travers de ce milieu bourgeois dont elle est issue. Mais il m’a semblé qu’on atteignait avec ce premier roman des summums de cruauté. Une grande partie du récit met en scène les affrontements entre David et sa femme ou sa fille, l’une mauvaise et froide, l’autre minaudant, capricieuse et frivole, mais toutes deux poursuivant le même but : extorquer à cet homme toujours plus d’argent.
Cela donne lieu à des épisodes d’un cynisme et d’une cruauté intenses, sa femme se plaignant du dénuement dans lequel risque de le laisser la mort de cet époux qu’elle traite avec un mépris haineux même lorsqu’il est au plus mal, sa fille venant lui faire admirer la dernière et très coûteuse robe qu’elle a achetée, tournoyant devant le lit où son père presque agonisant est couché, sans même songer à s’enquérir de sa santé.
David Golder a certes connu la réussite, le succès, mais il est désespérément seul, abandonné par une famille qui n’en a jamais été une, ses membres n’ayant été liés que par l’amour de l’argent et le besoin qui en découle. Il mesure la futilité de sa vie, de son incompréhensible destin tourné vers un seul but : laisser une fortune aux siens, mais aussi, bien que de manière fugace, de sa propre responsabilité, liée à son âpreté au gain, dans la nature des rapports qu’il a instaurés avec les autres. On en vient presque à se prendre de pitié pour cet homme pourtant guère sympathique, dont la dignité est bafouée, qui au pire moment de sa vie ne peut même pas prétendre à quelque manifestation d’amour ou de compassion filiale.
Les Golder représentent ce milieu de parvenus sans pitié, où tout est calcul et intérêt, qu’abhorrait Irène Némirovsky, qui s’est inspiré, pour écrire ce roman, du monde que fréquentaient ses parents.
Si la cruauté et la violence qui en émanent rendent le texte marquant, leur systématisme dote aussi l’intrigue et les personnages d’une dimension caricaturale. La mère et la fille, vénales et infectes, ne sont traitées que sous l’angle de leur rapport à l’argent, comme si l’auteure avait répondu à une volonté obsessionnelle de démontrer leur cupidité et leur ignominie.
J’ai eu le plaisir de faire cette lecture en commun avec Valentyne : son avis est ICI.
J'ai lu Le bal et Suite français, très bien tous les deux.
RépondreSupprimerNous sommes d'accord. J'ai découvert Irène Némirovsky avec Suite française (non chroniqué sur le blog, alors inexistant), et c'est sans doute le titre pour lequel je garde une préférence.
SupprimerJe l'ai lu il y a quelques années et je l'ai trouvé très noir. J'ai préféré "le bal" ou "les feux de l'automne".
RépondreSupprimerJe te rejoins sur sa noirceur, accentuée par le fait qu'il n'y a aucune lueur d'espoir ou d'humanité qui la contrebalancent... Je n'ai pas lu Les feux de l'automne -Le bal, oui, et j'ai beaucoup aimé- mais je note, j' n'en ai pas terminé avec cette auteure.
SupprimerEuh... je ne sais pas. Je n'ai jamais lu cette auteure, peut-être faut-il que je la découvre avec un autre titre ?
RépondreSupprimerOui, avec Suite française, sans hésiter !
SupprimerIl faut absolument lire Chaleur du sang ! Eva (etsionbouquinait.com)
RépondreSupprimerMerci pour le conseil, que je note volontiers !
SupprimerJ’hésitais par quel roman découvrir l’auteure ,je vais opter pour celui là très
RépondreSupprimersombre peut-être.
Si tu aimes la noirceur, tu seras en effet servie. J'ai toutefois préféré Suite française, Le bal, ou Le vin de la solitude, que j'ai trouvés plus complexes (bien que sombres aussi). Le traitement de ce roman est un peu trop caricatural..
SupprimerDe cette auteure, j'aimerais beaucoup lire Suite française. Le reste, on verra après.:)
RépondreSupprimerC'est une excellente idée, Suite française est un roman incontournable (et l'un des rares qui traitent -mais pas que, car il est très riche- de l'amour entre une française et un allemand pendant la guerre) !
SupprimerJe n'ai pas encore lu l'auteure mais une chose est sûre: je ne commencerai pas par celui-ci! Je vais de ce pas aller lire tes autres billets...
RépondreSupprimerC'est une sage décision ! Comme tu l'auras compris, je te conseille aussi fortement Suite française, bien que je ne l'ai pas chroniqué..
SupprimerJ'ai eu ses romans entre les mains mais en lisant quelques lignes je n'avais pas accroché à l'époque . Je suis contente de voir que tu me permets de la découvrir !!
RépondreSupprimerN'hésite pas à commencer par "Le bal" : il est très court, mais est assez caractéristique de son style et de son ton.
Supprimerje n'ai pas encore lu ses livres. "Le bal" et "suite française" sont dans ma PAL depuis un certain temps...
RépondreSupprimerpar contre je ne connaissais pas celui-ci :-)
Les deux titres que tu as sur tes étagères sont excellents, tu devrais te régaler !
SupprimerNoir et cruel, nous sommes bien d'accord ....
RépondreSupprimerUn livre qui me restera en mémoire (même si effectivement il y a un côté caricatural et "règelments de compte")
J'ai découvert pour ma part Irène Némirovski avec "Suite française" (passionnant) puis "le bal"
Bonne journée
Comme toi je l'ai découverte avec Suite française, et je te rejoins, il est excellent. J'ai déjà noté d'autres titres pour poursuivre ma découverte de cette auteure..
SupprimerBon dimanche.
J'ai commencé "Suite française" mais sans réussir à me plonger vraiment dedans. Il faudrait que je retente cette auteure. Merci pour la petite piqure de rappel ;)
RépondreSupprimerJ'ai adoré Suite française.. Mais tu peux essayer de renouer avec cette auteure par ses titres plus courts, et très bons aussi, que sont Le bal ou Le vin de solitude, par exemple.
SupprimerNoir et cruel c’est plutôt mon genre alors je notes (Goran : http://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerIl devrait te plaire, malgré son aspect un peu caricatural.. en tous cas il m'a plu bien davantage que Jézabel, qui ne nous avait convaincus ni l'un ni l'autre !
SupprimerC'est une autrice que j'aime beaucoup mais je n'ai pas lu celui-ci. Mon préféré est "suite française"
RépondreSupprimerMoi aussi, c'est celui que j'ai préféré, mais j'ai rarement été déçue par cette auteure (sauf avec le pénible "Jézabel").
SupprimerJ'ai lu Chaleur du sang, que j'avais adoré, et je m'étais promis de lire Suite française ensuite. Ce que bien sûr, je n'ai pas fait... ;)
RépondreSupprimerMais il n'est pas trop tard... ! Et je renote Chaleur de sang, puisque cela fait 2 grandes enthousiastes !
SupprimerJe n'ai pas encore lu cette autrice. Je note Suite française alors !
RépondreSupprimerOui, très bonne idée ! Une auteure à découvrir, avec une plume incisive...
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