"Dreamericana" - Fabrice Colin
"La fiction comme contamination du réel : c'est un processus beaucoup plus insidieux qu'on ne pourrait le croire".
Hades Shuffling est une célébrité du monde littéraire - son dernier roman s’est vendu à 760000 exemplaires-, réputé pour ses romans politiques, ses "pamphlets cauchemardesques". Il est l’auteur d'un cycle devenu quasi mythique : "Antiterra", uchronie se déroulant à la fin du XIXème siècle dans un monde alternatif assez semblable au nôtre, mais qui s’en éloigne de façon régulière à partir d’un instant donné, celui où les Voyageurs et les Gardiens l’envahissent subrepticement, les premiers dans le but de détruire la Terre, les seconds pour les en empêcher.
C’est par ailleurs un homme excentrique, habité par son œuvre à un point difficilement imaginable. Convaincu de l’existence, à un moment T, de l’infinité de mondes parallèles, il prétend que son inspiration lui vient de la perception d’une réalité se déroulant dans l’un d’entre eux. Perception qu’il a perdue, semble-t-il, puisque le voici atteint d’une panne d’inspiration qui le rend littéralement dingue. Dans la solitude de sa gigantesque villa se dressant sur les hauteurs arides des environs de Phoenix, le quinquagénaire déphasé, éreinté, boit plus que de raison et procrastine, pris de délires paranoïaques. Cette crise tombe au plus mal : Stanley Kubrick lui-même, seul cinéaste au monde qu’il estime digne d’admiration, attend fébrilement la parution du vingt-et-unième tome du cycle d’Antiterra, dont il a déjà acheté les droits en vue d’une adaptation qui sera son ultime création. Son éditeur, lui-même relancé par le réalisateur que le silence d’Hades finit par angoisser, décide alors de prendre les choses en main, en imposant à l’écrivain une séance d’hypnose censée lui rendre son élan créateur.
Dans une première partie, la description des affres du héros en mal d’inspiration est entrecoupée d’éléments biographiques insistant notamment sur la vieille histoire d’amour liant Hades à une obscure actrice brusquement disparue alors qu’elle portait leur futur enfant, et du résumé, retraçant les grandes lignes de son cycle, de ses titres les plus populaires.
Le récit bascule ensuite littéralement dans l’œuvre que l’hypnose extirpe de l’univers mental de l’auteur, plongeant le lecteur dans le dernier volet d’Antiterra, "Dreamericana".
Dans un monde que transfigure la fièvre industrielle, les Voyageurs, dissimulés sous les traits d’êtres humains, en provoquant une guerre que Bismarck déclare à l’Autriche, ont lancé une offensive que les Gardiens tentent de contrer en déviant le monde de sa trajectoire historique. C’est le point de départ d’une intrigue échevelée et inventive, peuplée de personnages loufoques ou inquiétants, plaisamment rythmée mais il faut bien le dire un peu foutraque, s’y retrouver entre faux-semblants, agents doubles voire triples, relevant parfois de la gageure… On y notera certaines bizarreries par lesquelles Fabrice Colin rappelle mine de rien le concept fondateur de son texte -l’entremêlement entre réel et fiction-, notamment ces mentions régulières de la présence (a priori incongrue) de caméras.
Je ne suis pas très friande de ce genre de mélange dans un roman ; plus tes bémols, je crois que ce n'est pas la peine d'insister.
RépondreSupprimerSi tu n'es pas adepte des chausse-trappe, tu peux en effet passer ton tour...
SupprimerPfou, ça m'a l'air compliqué, non?
RépondreSupprimerNon, je ne dirais pas ça.. c'est complexe mais pas compliqué, l'ensemble tient en une structure cohérente, qui fait que le lecteur ne se perd pas, du moins en ce qui concerne tout le jeu sur l'entrelacement fiction/réel. En revanche, on peut avoir un peu de mal à suivre l'intrigue du roman dans le roman, mais cela n'a pas vraiment d'importance, à vrai dire, cela ne nuit pas vraiment à la lecture...
SupprimerJ'ai lu deux romans de Fabrice Colin, et je me souviens que j'avais adoré. Je m'étais d'ailleurs dit que je devrais en lire d'autres, ce qui n'est jamais arrivé. Je ne suis pas sûre que celui-ci relancera mes envies mais je devrais fouiller dans sa production !
RépondreSupprimerC'est un auteur que j'aime beaucoup aussi, et qui a une rare capacité à varier les genres. Et sa bibliographie offre en effet un vaste choix !
Supprimeroh j'aimais bien cet auteur à une certaine époque... mais je ne suis pas sûre que ce roman me plaise...
RépondreSupprimerDu coup, je suis allée faire un tour sur ton blog, et tu as lu des titres qui me tentent bien.
SupprimerSi celui-ci ne t'attire pas, je te conseille, pour le cas où tu souhaites relire cet auteur, "Or not to be" ou "La poupée de Kafka", qui sont très très bien !
ohhh ! Je ne connaissais aps ce titre de cet auteur. J'ai lu deux romans de cet auteur que j'ai vraiment beaucoup aimé ! (c'est jeunesse : bal de givre à New York et projet Oxatan...) Je note donc celui-là !
RépondreSupprimerIl pourrait bien te plaire, oui...
SupprimerJe vois que c'est un auteur qui a été lu par des blogs que je suis , mais la lecture de ce billet m'a plutôt donner envie de ne pas me confronter à ce roman.
RépondreSupprimer(PS je ne peux toujours pas recevoir de mail quand tu fais paraître un article en conséquence de quoi je pense à aller sur ton blog uniquement quand tu mets un billet sur le mien. Si par hasard quelqu'un d'autre à le même problème que moi j'aimerais bien solutionner cette difficulté.)
L'une des particularités de Fabrice Colin est de varier, avec talent, les genres. "La poupée de Kafka", très différent de celui-ci, pourrait par exemple te plaire, je crois.
SupprimerEt pour la problématique concernant l'absence de signalement des mises à jour, je crois que c'est à moi de faire qq chose sur blogger, mais, j'ai dû mal à comprendre leurs consignes... sache en tous cas que je reçois bien les mises à jour du tien, et que tu continueras donc à recevoir des commentaires réguliers de ma part !