LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Ecoute-moi, Amirbar" - Álvaro Mutis

 "Oui patron, chaque mine a ses défunts. C'est comme ça. Un Indien qui vivait ici et qui était un peu sorcier disait qu'il n'y a pas d'or sans défunt ni de femme sans secret."

Le narrateur retrouve son vieil ami Maqroll le Gabier, qu’il a pris l’habitude de croiser dans les endroits les plus inattendus du monde au gré de leurs changements d’emplois successifs, dans un motel sordide de Los Angeles, où il peine à se remettre d’un épisode de malaria. Situation inconfortable et inhabituelle pour cet aventurier qui, sous peine d’asphyxie et de frustration, doit rester à terre le moins longtemps et le moins souvent possible. Maqroll a de fait sillonné toutes les mers navigables, et fait partie de ces perdants magnifiques dont la superbe s’accommode aussi bien des tempêtes océanes que du sordide des bouges de ports et qui, s’ils ne connaîtront jamais la gloire et la fortune, dégagent un puissant magnétisme et comme une aura d’immortalité. Malgré la sombre vision de l’homme qui le hante, son appétit féroce pour la vie et son insatiable curiosité le mènent en quête de perpétuels défis dont la mer n’a jamais été avare, qui lui permettent de continuer à vivre sans chercher de faux-semblants.

Invité à passer sa convalescence chez le frère du narrateur, il a l’occasion d’y suspendre à ses lèvres ses hôtes et son ami, en leur racontant l’une des aventures les plus étranges qu’il ait vécu. Il y a, de son propre aveu, "laissé des lambeaux de son âme". Déroulant le fil enchevêtré de ses souvenirs, il évoque ainsi son singulier séjour en Amirbar, "contrée torturée de sa mémoire"

Il séjournait alors dans un petit village du Pérou, occupant son temps entre la lecture d’ouvrages historiques (cet autodidacte est notamment fasciné par les guerres de Vendée) et des conversations avec les routiers de passage fréquentant le bistro où servait Dora Estela, femme indépendante au caractère bien trempé. De fil en aiguille, cette dernière le mit en relation avec son frère Eulogio, qui devint son guide dans la découverte, au cœur de la Cordillère des Andes, de mines d’or abandonnées pour avoir été le théâtre de sinistres événements. Peu intéressé par l’éventuel gain à récolter, Maqroll vit là l’occasion d’explorer un monde qui lui était étranger. Et il y vécut, au-delà de ses attentes, une expérience insolite et intense, approchant cette fièvre de l’or qui, prenant racine dans les sources ancestrales de l’être, envoûte et suscite le délire. 

Une bien belle découverte que ce titre exaltant, baigné de mystère, qui nous imprègne d’un sentiment de danger latent mais omniprésent, marque de ce territoire travaillé par des hommes qui s’en revendiquent partie intégrante, mais ont à subir le pouvoir et la violence de ceux qui ignorent et méprisent l’amour de la terre. Malgré leur singularité et leur charisme, les personnages qui peuplent l’intrigue sont comme ramenés à leur condition pitoyablement mortelle par leur inclusion dans quelque vaste et obscur dessein qui à la fois les contient et les malmène. Et le lyrisme ainsi que les envolées philosophiques qui ponctuent le récit, parfois même incantatoire, de Maqroll, s’accordent à merveille à la dimension à la fois tragique et piquante de son aventure.


Et c'est une deuxième participation au Mois Latino :


Petit Bac 2022, catégorie PONCTUATION

Commentaires

  1. Oh là, oui, j'ai fait un coup de coeur de la série sur Maqroll! J'espère que tu liras tout!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout, je ne sais pas, mais cette première lecture m'a donné envie d'aller plus loin, c'est sûr...

      Supprimer
  2. J'avais noté cette série chez Keisha, je crois, j'en ai commencé un mais pas vraiment trouvé de quoi accrocher... ça vient sans doute de moi qui n'insiste pas assez.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Peut-être peux-tu tenter avec un autre titre de la série ? J'ai personnellement accroché au personnage comme à l'écriture.

      Supprimer
  3. Je découvre le personnage par ton billet, ne connaissant l'auteur seulement de nom. Evidemment, tu me rends curieuse !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est savoureux et divertissant, n'hésite pas à te lancer !

      Supprimer
  4. un peu trop complexe pour moi
    mais une jolie découverte de ton côté

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais non, ce n'est pas complexe ! C'est mystérieux mais pas abscons...

      Supprimer
  5. Les raisons pour lesquelles ce roman t'a plu, m'attirent car pour une fois cela n'a pas l'air trop triste

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est sombre et mystérieux, mais pas triste, non, parce que le personnage, et sa manière de raconter, donnent au texte une énergie et une poésie revigorantes !

      Supprimer
  6. Ah je n’ai pas lu celui là. On retrouve les thèmes chers à l’auteur on dirait.
    Je m’empresse de le noter,j’aime trop Mutis.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je dois d'ailleurs te remercier, car c'est grâce à ton billet de l'année dernière sur 3ilona vient avec la pluie" que j'au découvert cet auteur. Et je me suis régalée !

      Supprimer
  7. Aaah la littérature colombienne aussi me plaît énormément ! Keisha m'avait déjà recommandé cet auteur et sa série mais ça remonte, d'autres tentations sont passées depuis.^^ Une bonne chose que tu me le remettes en mémoire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois qu'à part celui-là, je n'ai lu que Gamboa, comme auteur colombien... mais si tu en as d'autres à me conseiller, je suis bien sûr preneuse. Et franchement, lance-toi avec Mutis, je suis certaine qu'il te plaira !

      Supprimer
  8. J'ai beaucoup lu Mutis, il y a très longtemps ... Un temps d'avant blog qui fait que je ne me souviens pas des titres. Mais ce dont je suis certaine, c'est que je ne me souviens pas d'une série. Si j'ai bien compris, elle est organisée autour d'un même personnage et on peut ne pas commencer par le premier ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est ça (je crois que celui que j'ai lu est l'un des derniers, voire le dernier..).
      Voici un extrait de wikipédia sur l'auteur = "Il développe à partir de 1985 une série de sept romans autour d'un personnage, Maqroll el Gaviero (Maqroll le Gabier), aventurier toujours au bord de la misère et marin partout sur le globe, tant sur les mers que sur les fleuves et les rivières, et qui apparaît déjà dans ses poésies à partir du recueil Los elementos del desastre (Les Éléments du désastre) paru en 1953. Il crée autour de ce personnage errant d'autres protagonistes, comme la famille Bashur, des négociants libanais, dont il détaille, roman après roman, les aventures dans le monde trouble des affaires maritimes, des pavillons de complaisance et des cargaisons douteuses"

      Supprimer
  9. Je ne sais pas trop si j'accrocherais à ce genre d'histoire. A tenter si je le trouve en bibliothèque.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh oui, tente, il n'y a pas que l'histoire, l'écriture est savoureuse, et le personnage marquant.

      Supprimer
  10. Je connais l'auteur que de nom. Voilà qui me semble fort divertissant. J'ai bien envie d'aller à la rencontre de ce personnage... Un peu d'aventure n'est jamais de refus!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est déjà ça, je ne le connaissais personnellement pas du tout avant de lire le billet de Carmen à son sujet lors de l'édition 32021 du Mois latino (c'est d'ailleurs tout l'intérêt des blogs, tu me diras !)... c'est vraiment une belle découverte, divertissante oui, mais en plus c'est très bien écrit.

      Supprimer
  11. Voici un billet qui me tente beaucoup !Une belle découverte en effet !

    RépondreSupprimer
  12. J'ai déjà choisi mes livres pour ce mois-ci mais il faut absolument que je lise, (plus tard, donc) les aventures de ce Maqroll le Gabier ! Cela a l'air vraiment passionnant !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh oui, l'osmose entre aventure et poésie est très réussie, et m'a vraiment donné envie de faire davantage connaissance avec ce personnage haut en couleur.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Compte tenu des difficultés pour certains d'entre vous à poster des commentaires, je modère, au cas où cela permettrait de résoudre le problème... N'hésitez pas à me faire part de vos retours d'expérience ! Et si vous échouez à poster votre commentaire, déposez-le via le formulaire de contact du blog.