LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"El ultimo lector" - David Toscana

"(…) si l’eau est d’autant plus nécessaire en plein désert, comme la médecine l’est à la maladie, les livres sont d’autant plus indispensables là où personne ne lit.".

Le village d’Icamole tire sa fierté d’un épisode historique, celui de la défaite de Porfirio Díaz face aux forces loyalistes du gouvernement fédéral. La lettre qu’un soldat écrivit alors à sa bien-aimée pendant sa longue agonie sur le champ de bataille en est devenue l’emblématique relique. Mais cet événement remarquable, à part pour les habitants d’Icamole, semble dorénavant aussi impalpable que l’idée de l'océan qui, dans un passé bien plus lointain, a recouvert ces terres qui n’en gardent plus que quelques fossiles.

Ecrasés par une terrible et interminable sécheresse, les villageois doivent leur survie aux bidons d’eau fournis par les autorités, que le vieux Melquisedec transporte dans sa carriole. Remigio avait jusqu’à présent pu se passer de cet approvisionnement, le fond de son puits conservant un reste d’eau. Mais ce dernier est inutilisable depuis qu’il y a trouvé le cadavre d’une fillette à la peau blanche et aux yeux gris.

Il ne confie cette découverte qu’à son père Lucio, bibliothécaire de ce village où personne ne lit. Il n’empêche, il a fort à faire avec toutes ces caisses de livres pour décider de ceux, rares, qui mériteront de rejoindre les rayonnages de sa bibliothèque. Les autres échouent dans une pièce condamnée, où ils sont dévorés par les cafards. Il faut dire que Lucio exerce envers la littérature une intraitable exigence : il la veut à la fois crédible et extraordinaire, réaliste mais dénuée de toute considération bassement matérielle -rien ne l’horripile davantage que les détails consuméristes rappelant l’hégémonie de la culture états-unienne. Il attend des livres une vérité lui expliquant le monde, et ne comprend pas l’abîme qui pour les autres sépare la vie du papier. Lui-même interprète les signes du réel à l’aune des intrigues de ses romans préférés.

C’est ainsi que dans "El ultimo lector", la réalité se colore des possibilités de la fiction et en perd du même coup son caractère définitif et certain. Le sens à donner aux événements y fluctue, et l’atmosphère qui hante le village, que l’enquête sur la disparition de la fillette sort à peine de sa torpeur, en acquiert une dimension onirique qui semble à tout moment pouvoir virer au cauchemar.

Pour autant, ses héros sont quant à eux bien palpables, ne serait-ce que par l’ampleur de la solitude qui les plombe, révélée à Remigio par son obsession pour le cadavre enterré dans son jardin, qu’il tente d’adoucir en caressant la peau d’avocats glissés dans ses draps.

A lire.

"Un livre d’histoire parle choses qui sont arrivées, tandis qu’un roman parle de choses qui arrivent.".


Une idée piochée chez Athalie, une participation au Mois latino, ainsi qu'au Book Trip Mexicain organisé par Rachel et A_girl_from_earth



Commentaires

  1. J'ai lu deux romans de l'auteur, dont celui ci, et pour une fois, ça se passe bien. Surtout quand ça parle de lecteurs...

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    1. Oui, toute la partie sur le bibliothécaire, et la manière dont il classe et apprécie les livres est très savoureuse.

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  2. J'en avais fait un coup de coeur, je vois que ce n'est pas tout à fait ton cas ... J'avais beaucoup aimé le personnage de Lucio et sa manière de "conduire" l'enquête sur la disparition de la jeune fille. La citation que tu as choisie à la fin de ton article doit être de lui ...

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    1. J'ai beaucoup aimé, mais comme toi, je deviens très exigeante dans mes classements en "coup de cœur". Il ne m'a pas manqué grand-chose, peut-être juste un peu plus de rythme... mais c'est une très belle découverte : le ton, le personnage du bibliothécaire oui (et la citation est en effet bien de lui), l'inventivité dans les détails, le mélange de poésie et de noirceur.. tout cela est très réussi.

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  3. J'avais profité que Keisha fasse voyager ce roman pour découvrir cette histoire, et cet auteur que je ne connaissais pas. Je me souviens avoir été emporté comme rarement par ce personnage haut en couleurs et cette irruption de la fiction dans le réel. Comme pour Athalie, ça avait été un vrai coup de cœur pour moi.

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    1. J'y étais presque aussi ! C'est juste que quelque chose, dans le rythme je crois, que j'ai trouvé un peu inégal, a fait qu'il n'a pas laissé une empreinte suffisante pour que je le classe en coup de cœur. Mais j'ai beaucoup aimé tout de même.

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  4. Je me souviens de billet un peu anciens sur ce roman ; il me tente surtout pour l'aspect livres, on verra bien s'il croise ma route.

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    1. Les passages sur les livres sont en effet savoureux, et je vois que c'est ce qui a marqué la plupart des lecteurs, ce qui ne m'étonne pas !

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  5. J'ai absolument adoré cette lecture, c'est un livre que j'offre. L'univers est si particulier, un grand voyage. J'en garde une empreinte durable.

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    1. C'est en effet un roman original, et envoûtant. Et c'est une belle idée de cadeau, oui !

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  6. Oh oui j'adore cet auteur.....je n'ai garde que l'histoire du libraire a vrai dire en souvenir....mais vraiment j'ai tout de suite lu son train....genial aussi....;)

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    1. Je reviendrai probablement vers lui, je vais aller voir sur ton blog ce que tu dis de ses autres titres...

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    2. Oh je ne faisais pas de critique de livres a l'epoque...;)

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    3. En effet, je n'y ai pas trouvé de billet... mais tu recommandes "Un train pour Tula", si je comprends bien ?

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  7. Je pensais l'avoir lu il y a 6 ou 7 ans, mais j'ai vu que mon billet datait de 2009, soit 13 ans ! Je n'en reviens pas, le temps passe si vite. Ce roman m'aura en tout cas marquée comme un formidable coup de coeur et ton billet me remet en mémoire le contexte de l'intrigue. Je suis ravie que tu l'aies choisi au rayon mexicain ce mois-ci.

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    1. C'est bon signe !
      Pour le Book Trip, j'ai très peu de mexicain sur mes étagères : le seul qu'il me reste est un Arriaga, et c'est un pavé, je ne suis pas sure de pouvoir le lire avant la fin du challenge, mais j'essaierai !

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  8. Je l'ai lu en 2010 et fait voyager ensuite, je me souviens de son retour avec les petits mots des copines lectrices dedans plus que du livre lui-même, qui m'avait un peu laissée dubitative, et j'en avais conclus que je n'étais pas faite pour la littérature sud-américaine. Je me rattrape, maintenant !

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    1. C'est sûr, que tu te rattrapes !
      Je peux comprendre toutefois que l'on n'adhère pas à cette littérature (sans faire de généralités, bien sûr), dans laquelle l'imagination et le surnaturel ont souvent une place importante. C'est en partie ce qui, personnellement, me plait, avec le fait que cette dimension se heurte souvent à une réalité tragique, voire sanglante..

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  9. Génial, voici un livre qui parle de livres. Forcément, je suis enthousiaste :-) En plus, je pourrais ainsi participer au book trip...

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    1. Oui, cela permet de faire d'une pierre deux coups, en effet !

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  10. Et bien voilà, encore un livre à noter !

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  11. je ne le connais pas, mais j'ai tout le temps peur avec ce genre de roman - je lis beaucoup d'auteurs sud-américains avec Métailié mais au final, j'ai toujours la crainte de ne pas avoir l'esprit assez ouvert (et pourtant j'adore Le Maître et Margerita)

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  12. auteur à découvrir pour moi :-)
    j'aime bien cette maison d'éditions... Les couvertures sont en général magnifiques et une invitation à se plonger dans les livres :-)

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    1. C'est vrai que leurs objets-livres sont très attrayants, et là, le contenu est en plus très savoureux !

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  13. Oh! Ce sera difficile, sur ce coup, de passer mon chemin. Il a tout pour me plaire.

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