"Noir Equateur" - José de la Cuadra
"Si nous n’avions pas de légendes, il faudrait les inventer."
On y goûte un parfum d’aventure aux forts relents de testostérone, se teintant parfois d’accents épiques, comme dans cette histoire -qui n’est pas sans évoquer Moby Dick- dont le héros est un gigantesque caïman inspirant autant de crainte que de respect, que sa lutte avec un homme animé d’un sentiment de vengeance obsessionnel élève définitivement au rang de légende. Les aventuriers sont parfois des bandits : voleur de bétail à la morale très personnelle, escroc banni aux Galapagos, pistolero dont la renommée quasi mythique fait que l’on s’en méfie même mort…
Les femmes ne sont pas en reste : la violence et le charisme ne sont pas ici l’apanage des hommes, ainsi que l’illustrent le bref mais terrifiant séjour auquel nous invite l’auteur dans une pension dont personne n’est assuré de repartir vivant, ou l’inoubliable héroïne de la nouvelle "La tigra", qui manie la machette et le fusil avec autant d’habileté qu’elle montre d’endurance à l’alcool, et qui dirige son monde avec une autorité que nul ne songerait à contester.
"Noir Equateur" est aussi le portrait d’un pays où le déterminisme social fige les destins et les rapports entre individus, caractérisés par la domination, la sujétion. Le recueil est ainsi traversé par les tragédies qu’induit cette réalité brutale et inique, que subit notamment "Chumbote", jeune garçon offert par son père à ses patrons, qui oublie les coups et les humiliations quotidiennes en s’adonnant à de frénétiques séances de masturbation.
Certains, pour oublier la misère qui menace incessamment, s’étourdissent, avec une sorte de joie combative face à l’adversité, de sexe, d’alcool, de musique, quand d’autres, pour tenter de s’extirper de leur condition, basculent dans la délinquance. Il sourd ainsi de la violence ambiante une formidable énergie vitale, que vient par ailleurs colorer la dimension surnaturelle et fabuleuse qu’apporte la propension à la superstition et à voir dans tout malheur l’action occulte du Diable.
Un recueil où s’entremêlent en une parfaite osmose noirceur et vitalité, réalisme et poésie, l’auteur nous faisant parfois le cadeau d’une chute délicieusement cruelle…
Des nouvelles, c'est toujours un bon moyen pour découvrir un auteur, voir un pays...
RépondreSupprimerTout à fait ! Je suis tombée par hasard sur ce recueil chez un bouquiniste, et cela a été une bonne pioche !
SupprimerJ'aime bien les nouvelles, mais là, ça ne me dit pas grand chose.
RépondreSupprimerTrop "noir" ?
SupprimerHeu, pourquoi pas, c'est vrai, les nouvelles ça permet d'avoir une idée de l'auteur.
RépondreSupprimerOui, et ça se lit bien !
SupprimerJ'aime bien la couverture (commentaire constructif). J'aime bien aussi ce que tu dis du recueil, donc je note, on ne sait jamais, il croisera peut-être mon chemin.
RépondreSupprimerIl est indisponible en librairie, j'ai eu la chance de tomber sur un exemplaire d'occasion en bouquinerie...
Supprimersexe, alcool, musique... j'aime bien ce genre de nouvelles, surtout pour découvrir un pays le Noir Equateur...
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est une bonne introduction, l'ensemble nous installe dans une ambiance à la fois un peu poisseuse et vaguement inquiétante, qui par moments bascule dans du carrément glauque...
Supprimeroh c'est vraiment très sombre ! j'adore les nouvelles mais là j'ai besoin de lumière en ce moment
RépondreSupprimerPour plus tard peut-être alors, à l'occasion d'un Mai en nouvelles ?!
SupprimerLa lecture de ton billet me suffit : beaucoup trop noir pour moi !
RépondreSupprimerC'est noir, mais il y a aussi une certaine énergie qui empêche le recueil d'être complètement déprimant...
SupprimerPour le mois Latino mais aussi pour celui des nouvelles... Elles ont tout pour me plaire ces nouvelles !
RépondreSupprimerJe crois qu'elles te plairaient, c'est juste que le recueil est indisponible en librairie, il faut donc le trouver d'occasion..
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