"Paperboy" - Pete Dexter
"Même s’il n’avait pas tué le shérif Call, je compris qu’il était parfaitement coupable".
Le narrateur avait quinze ans au moment des faits. S’il revient quelques années plus tard sur cette histoire, c’est qu’il s’y retrouve impliqué. Jake Hansen est le plus jeune fils du propriétaire du journal local qui, s’il a longtemps défié l’opinion publique de cette région rurale de l’Etat par ses idées libérales, y a depuis mis un bémol, les déclinant dorénavant sur un mode lénifiant et inoffensif destiné à ne froisser aucune sensibilité. En 1969, Jake perd sa bourse en natation à l’Université de Floride, dont il est exclu quelques semaines plus tard pour vandalisme. De retour dans la demeure familiale, il distribue les journaux de son père. Déçu par le manque d’ambition de son cadet, ce dernier reporte ses espoirs sur son aîné, Ward, qui après des études de journalisme, a intégré la rédaction du Miami Times, où son récent article sur un crash aérien lui a valu une célébrité soudaine. Son nouveau sujet, l'affaire Thurmond Call/Hillary Van Wetter, le ramène lui aussi à Moat en compagnie de son binôme Yardley Acheman.
Charlotte Bless, affriolante et peu farouche quadragénaire s’est prise d’une obsession pour Hillary, avec lequel elle entretient une correspondance régulière. Convaincue de son innocence, elle a pour projet à long terme de l’épouser. Ayant regroupé une imposante documentation composée d’éléments du dossier, de considérations personnelles ou de ses échanges épistolaires (souvent cochons) avec le condamné, elle demande à Ward et Yardley de mener l’enquête pour rétablir la vérité. Jake fait office de coursier et de chauffeur pour le duo de journalistes, occupe Charlotte -objet de ses fantasmes- afin de leur épargner ses visites lassantes et répétitives. L’enquête les mène du parloir de la prison où croupit le détestable et répugnant Hillary, au fin fond des marais détrempés et dangereux que constitue le territoire du clan Van Wetter.
Baigné d’une ambiance poisseuse, vénéneuse, "Paperboy" est un roman noir et protéiforme, dont l’enquête policière ne semble finalement être qu’un prétexte, ou disons plutôt un contexte à partir duquel Pete Dexter lie à la prégnante et mélancolique narration de son héros l’évocation de diverses thématiques. L’éthique journalistique en est une des principales (l’auteur a lui-même été journaliste d’investigation avant de se consacrer à la fiction). Les divergences opposant Ward et Yardley dans leur pratique du journalisme lui permet d’illustrer clairement son propos. Le premier, très sérieux, va au bout de ses projets avec un entêtement et une indifférence effrayante aux risques et aux dangers. Son sens aigu de l’éthique l’amène à dédaigner l’excitation que provoque d’emblée l’enquête journalistique pour se bagarrer avec les détails, « mettre les mains dans la merde » ; dans sa quête absolue de la vérité, il ne lâche rien, vérifie tout, ne s’interdit d’interroger aucun témoin. Yardley, moins consciencieux, est davantage attaché au style de ses articles qu’à leur véracité, et se plait à endosser le rôle de qui dénonce l’hypocrisie partout où il la débusque, quitte à travestir quelque peu les faits pour parvenir à ses fins.
Une autre des forces du roman réside dans la complexité du duo fraternel que composent Jake et Ward, dont les personnalités respectives et torturées sont difficiles à cerner, tous deux entretenant un lien taiseux mais solide, fait de complicité tacite et d’inaltérable fidélité.
Et il y aurait encore à dire… à lire.
Ha ha... Tu donnes bien envie
RépondreSupprimerIl faut se laisser tenter, c'est très bon !
SupprimerÇa a l'air très bien ça - quand arrive le fameux 13e mois consacré uniquement à la lecture ?
RépondreSupprimernathalie
Qu'un 13e ? Bon, c'est déjà un début, moi je vote pour !
SupprimerÇa semble au moins aussi bien que "Cotton Point" qui me reste en mémoire malgré les années qui me séparent de ma lecture.
RépondreSupprimerJe n'ai lu que ce titre de l'auteur (mais je ne vais surement pas m'arrêter là..). J'ai vraiment aimé l'ambiance, à la fois glauque et mélancolique, et la voix du narrateur qui donne un ton particulier à l'ensemble, assez difficile à définir..
Supprimerune atmosphère poisseuse ... pas sûre que j'ai envie de m'y plonger
RépondreSupprimerA lire, peut-être, plutôt un jour de soleil hivernal...
SupprimerC'est encore bien noir, mais du noir comme ça, c'est très alléchant.
RépondreSupprimerLe noir, moi j'adore (à une époque je ne lisais que ça), et oui, là c'est du bon noir, à l'atmosphère prenante, lourde...
SupprimerJ'avais beaucoup aimé ce roman, son ambiance poisseuse et toxique, ainsi que tu la décris fort bien (pas de billet pour moi). As-tu vu qu'en 2012 il y a eu une adaptation de Paperboy au cinéma (avec Zac Effron !!!) ?
RépondreSupprimerPrécédemment, j'avais également lu Paris Trout et Train (billet), que j'ai encore plus aimé (tout aussi noir et vénéneux). Ça peut, peut-être aider ton choix, puisque tu sembles vouloir découvrir l’œuvre de l'auteur.
Oui, j'ai vu qu'il y avait une adaptation ciné, que j'ai évidemment bien envie de voir, maintenant.. Et merci pour les conseils, c'est sûr que je le relirai (j'ai aussi noté Cotton Point, suite au commentaire de Sandrine).
Supprimerj'ai vu le film mais tu me donnes envie de lire le livre ! et oui, je suis de retour !
RépondreSupprimerJe pense qu'il te plaira !
SupprimerCa me tente beaucoup ! J'aime bien les romans noirs et les romans sur le journalisme !
RépondreSupprimerDans ce cas, il devrait te plaire, il couple ces deux aspects avec habileté.
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