"Germinal" - Emile Zola
"Des années et des années de faim les torturaient d’une fringale de massacre et de destruction."
On vit entassé dans les petites maisons du coron, constructions de briques installées par la Compagnie aux cloisons si minces que le moindre souffle les traverse et que la vie intime des voisins n’a pas de secret. La promiscuité rapproche précocement les filles et les garçons, qui "se jettent à cul" dès la nuit tombée ; les herscheuses tombent enceinte à peine femmes, leurs mariages avec les jeunes pères mécontentent les familles de ces derniers, qui ne vont plus rien leur rapporter. L’église, qui ressemble elle-même à un modèle de haut fourneau, fait concurrence à la pléthore de bals, débits de bière et autres estaminets auxquels les travailleurs réservent toujours une partie de leurs maigres ressources pour s’octroyer quelque moment de détente. Les grands moments de fête sont quasi orgiaques, immenses beuveries où se mêlent adultes et enfants. Une fois mères, vite déformées par ces vies de misère et de grossesses nombreuses, les femmes s’occupent de leur progéniture et s’échinent à assurer la subsistance du foyer, abusant du café et médisant les unes des autres lorsqu’elles tombent sur une voisine.
C’est une vie de dureté et de souffrance, vampirisée par un travail destructeur, parfois mortel, qui permet tout juste de manger à sa faim.
La mine est un univers à part entière, labyrinthe de veines souterraines dans les ténèbres desquelles les travailleurs fouissent jour et nuit. A des centaines de mètres de profondeur, hommes et femmes travaillent comme des bêtes, à quatre pattes ou courbés, suant et ahanant, subissant tantôt une humidité extrême, tantôt une chaleur tout aussi insupportable, quand ce ne sont pas les deux en même temps, dans le fracas des berlines qui roulent continuellement, tirées par des chevaux qui pour certains, n’ont pas vu le jour depuis des années. Et tout cela sans une plainte, avec la résignation qu’induit l’habitude et l’absence de questionnement sur l’aberration que représentent leurs conditions d’existence, qui laissent leurs stigmates sur les corps et les visages. Ils ne s’interrogent pas vraiment non plus sur l’injustice dont témoignent le confort et la richesse dans laquelle s’épanouissent ceux qui leur doivent leur fortune, et qui leur manifestent une insupportable condescendance paternaliste, quand ce n’est pas juste du mépris.
Etienne, lui, se pose des questions. Révolté à l’idée d’être une bête qu’on aveugle et qu’on écrase, il est très perméable aux discours de Rasseneur, un ancien mineur renvoyé par la Compagnie pour ses idées révolutionnaires qui tient dorénavant l’un des bistrots du coron, où le jeune Lantier rencontre Souvarine, un machineur d’origine russe au passé mystérieux, qui l’initie à Marx et Proudhon. Le jeune homme structure peu à peu sa pensée autour des luttes prolétariennes et de cette fameuse Internationale qui vient de se créer à Londres, et la propagande latente qu’il diffuse finit par avoir un écho chez les mineurs, qui décident, suite à une décision de la direction qui va encore réduire leurs salaires, de se mettre en grève. Etienne prend la tête du mouvement, sa popularité croissante et la maigre instruction acquise au fil de ses lectures révolutionnaires le grisent, et le dotent d’un sentiment de supériorité sur ses camarades, dont il déplore bassesse des convoitises et la grossièreté des instincts. Pendant ce temps, la grève s’éternise, accablant les mineurs d’une misère croissante. Etienne perd bientôt le contrôle de la situation, certains grévistes se laissent aller à une fureur meurtrière.
Il faut dire que le contexte est d’une manière générale à la débâcle, suite à la crise industrielle qui sévit dans le pays entier depuis deux ans, la succession de faillites provoquant licenciements et bouchant les perspectives.
Bien évidemment je l'ai lu, souvenir lointains quand même, ravivé par le film? Mais mieux vaut lire le roman.
RépondreSupprimerEh bien je l'ai découvert pour ma part à l'occasion des "Classiques fantastiques", et j'en suis ravie..
SupprimerJ'ai écrit il y a très peu un texte sur la catastrophe de Courrière en 1906 (un texte test, pour qu'un nouveau producteur me prenne dans son équipe !) et à l'époque les journaux parlaient beaucoup du texte de Zola (mort peu avant) pour décrire la condition des mineurs (c'est plus rapide que d'écrire eux-mêmes sur les mineurs...).
RépondreSupprimerJ'espère que ton texte va convaincre ce producteur dans ce cas !
SupprimerSur le thème des catastrophes minières, je me suis personnellement procurée un documentaire sur celle de Fouquières-lès-Lens (1970), que je lirai avant la fin de l'année.
Germinal, ça a été une lecture obligatoire à l'école, quand j'avais 16-17 ans. On ne peut pas dire que le vie à la mine m'intéressait - j'ai préféré de loin Au bonheur des dames. A vrai dire, j'accrochais assez bien à Zola, détestant par contre Balzac et Flaubert. J'ai l'impression que ces lectures ne sont plus obligatoires aujourd'hui à l'école...
RépondreSupprimerJ'aimais beaucoup Zola, moi aussi, mais je l'ai surtout lu en-dehors des lectures scolaires. Je m'y remets de temps en temps, avec un titre que je n'ai pas lu à l'époque... et c'est toujours un plaisir !
SupprimerOh en voilà un classique en effet que j'ai du lire, quatre fois je pense...d'abord dans ma jeunesse (lecture obligatoire au lycée) puis quand mes fils ont eu eux-mêmes à l'étudier en classe (4ans entre les deux), et puis plus tard, avant d'emmener les élèves voir le film ! Je le relirai peut-être un jour qui sait...on découvre toujours quelque chose quand on relit les classiques. Ils ont un côté intemporel et souvent lors des lectures précédentes on a zappé certains détails.
RépondreSupprimerAh oui, quatre fois !, tu ne rigoles pas... c'est comme pour Woolf, il me reste encore plein de titres à découvrir avant d'en relire... (mais j'aimerai, par la suite, me replonger dans L'Assommoir ou Nana, je crois...).
Supprimerce livre avait bouleversé ma jeunesse, mais je trouve Zola difficile à lire tellement il est démonstratif , mais sur la condition ouvrière il avait tellement raison de vouloir la décrire. Peu d'auteurs de son époque l'ont fait. Je conseille le documentaire sur les ouvrières du textile
RépondreSupprimerhttps://fr.fashionnetwork.com/news/France3-le-siecle-des-couturieres-retrace-l-implication-des-femmes-dans-l-industrie-textile,1383891.html
La dimension démonstrative que tu évoques est sans doute réelle, mais ne m'a pas gênée, je trouve qu'on est vraiment pris dans l'histoire, à côtoyer les personnages, et que ça fait passer tout le reste.
SupprimerJ'ai un faible pour Zola et Germinal est le volet des Rougon Macquart que je préfère. Dans le film, Renaud colle parfaitement au rôle.
RépondreSupprimerJe réalise ne pas avoir vu les adaptations ciné. Ce n'est sans doute pas plus mal : même si je connaissais les grandes lignes de l'histoire, ça a été une vraie découverte.
Supprimerah mais je viens de me souvenir que j'ai lu Germinal au collège (et pas au lycée) ! je cherchais à me souvenir de mes lectures au collège pour notre défi. Bon, j'avais bien aimé à l'époque, c'est un classique. Un jour, j'espère reprendre mon challenge sur Zola mais pour le moment j'ai d'autres impératifs ! du coup, vu ce que tu dis, tu ne l'avais pas lu à l'école ?
RépondreSupprimerMais non, je crois avoir lu L'assommoir, pour l'école, et c'est tout, mais j'avais complété en en lisant quelques-uns à titre personnel (Nana, Le ventre de Paris, Le bonheur des dames, La joie de vivre). Du coup, je crois que je prends d'autant plus de plaisir, à lire un Zola de temps en temps...
SupprimerZola est un de mes classiques préférés que je dévorais adolescente. La plupart de ses livres conviennent d'ailleurs pour ton challenge "Monde ouvrier et monde du travail".
RépondreSupprimerOui, tu as complètement raison, il y a de quoi faire... le rail, la mine, la terre, le commerce...
SupprimerUne lecture de collège dont je me souviens encore vivement avec affection. J'avais adoré ! Zola avait d'ailleurs été adoubé chouchou à cette époque.^^ Il faudrait d'ailleurs que je revienne à lui. J'ai encore quelques-uns de ses romans à découvrir.
RépondreSupprimerEh bien me voilà tout aussi conquise que toi par ce roman ! Il me reste aussi pas mal de titres à lire, de la série des Rougon-Macquart, ainsi que certains que j'aimerais relire...
SupprimerBizarrement, je n'ai jamais eu Zola à lire en classe malgré un bac littéraire ! Il était évidemment conseillé en lecture personnelle et j'ai adoré ceux que j'ai lus, trop rares cependant. Germinal en fait partie et je l'ai lu (hasard) juste avant de visiter le centre historique minier de Lewarde. Ca m'y avait complètement replongée et je n'ai pas que constater à quel point le roman était documenté.
RépondreSupprimerComme toi, il a échappé à mes lectures scolaires (j'étais aussi en section littéraire), mais j'en ai alors lu quelques-uns par moi-même aussi, je garde un souvenir marquant de L'assommoir, notamment. J'imagine que faire suivre cette lecture d'une visite d'un site minier a dû être assez impressionnant. Je viens aussi, par hasard, de visiter une mine, mais c'était une mine de sel. L'une des grosses différences avec le charbon, c'est que l'air y est réputé pour sa pureté... Mais il y avait quelques points communs, notamment celui de l'exploitation de chevaux qui ne remontaient à la surface qu'après dix ans de "service", s'ils avaient survécu...
SupprimerLu en fin d'adolescence j'avais beaucoup aimé ce livre, quand j'ai entamé les Rougons il y a quelques années je pensais le relire mais je ne l'ai pas fait, il me reste toujours 2 Rougons à lire grrrr il faut que je m'y mette
RépondreSupprimerPlus que deux à lire ?! Il m'en reste personnellement bien plus...
SupprimerIl est dans ma Wishlist. C'est un thème qui m'intéresse particulièrement.
RépondreSupprimerJe suis sûre qu'il te plaira. On est rarement déçu avec les classiques, et l'écriture de Zola a une grande force d'évocation..
SupprimerJe l'ai lu il y a bien longtemps et j'avais aimé. J'ai vu le film et on en parle encore beaucoup de cette histoire tellement elle est représentative du monde ouvrier de l'époque.
RépondreSupprimerJe n'ai personnellement pas vu le film, mais c'est vrai que le roman, comme son adaptation restent des références de cette histoire minière qui fait partie de notre patrimoine..
SupprimerQue de souvenirs !! (lointains aussi, il faut bien l'admettre) Comme je me remets aux Rougon, j'y arriverai, j'y arriverai !!
RépondreSupprimerC'est toujours un plaisir de retrouver Zola...
SupprimerJ'avais pensé à un Zola pour le challenge mais par manque de temps j'y reviendrai plus tard. J'ai lu Germinal il y a longtemps mais te lire me donne envie d'y replonger.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il y avait matière, chez Zola, à répondre à la thématique des Classiques de ce mois d'avril. Il faut d'ailleurs que j'aille lire toutes les participations à l'activité !
SupprimerUn merveilleux Zola. Je vais essayer dans les prochains mois d'en (re)lire plusieurs. J'ai beau avoir relu Germinal il n'y a pas si longtemps, il sera dans ma liste.
RépondreSupprimerJe suivrai avec intérêt tes futures lectures !
SupprimerJ'ai tellement hâte de parvenir à ce tome (mais puisque je suis l'ordre de parution, ce n'est pas pour tout de suite !). Je sens que ça va être une grande lecture et ta chronique le confirme !
RépondreSupprimerOh, tu t'es lancée dans l'intégrale des Rougon Macquart, bravo, je n'ai pas eu ce courage, j'en lis un de temps en temps, et un peu au hasard...
SupprimerComme ce roman m'a marquée même s'il n'est pas mon Zola préféré! Je suis ravie de le trouver ici pour un regard croisé sur nos deux challenges littéraires qui se font parfaitement écho ce mois-ci. (Et ce n'est pas la première fois.) Je lis tous les Zola dans l'ordre et cela me serre le cœur de savoir qu'il m'en reste si peu à lire. Mon prochain titre sera La Bête humaine et il me tarde.
RépondreSupprimerAh toi aussi, tu suis les Rougon Macquart dans l'ordre, vous m'épatez !! J'ai acheté La bête humaine en même temps que Germinal, puisqu'il rentre aussi dans le cadre de l'activité sur le travail, j'essaierai de le lire avant la fin de l'année. Et quel est ton Zola préféré ?
SupprimerJe n'ai pas lu Zola, mais j'ai quand même lu celui-ci il y a bien des années au moment où le film est sorti...
RépondreSupprimerDonc tu as tout de même lu Zola... je ne sais pas s'il t'avait plu, mais il n'est pas trop tard pour en lire d'autres.
SupprimerC'était mon 1er Zola lu (dans le cadre de notre challenge d'ailleurs) et qu'est-ce que je l'ai aimé!!!
RépondreSupprimerJe n'en suis pas surprise, la force d'évocation de Zola a, parmi ces miséreux en révolte, toute sa place..
SupprimerQuel bon choix pour les défis. J'aurais dû aussi le lire...J'aurais pu participer ainsi à ton défi. Mais, je ne l'oublie pas. J'ai un livre qui m'attend pour toi cet été. Je n'ai pas lu « Germinal » mais je suis certaine que les thèmes proposés comme les conditions de travail, le patronat, etc.
RépondreSupprimerL'activité autour des classiques a été l'occasion rêvée de réparer cette lacune (je ne l'avais pas lu non plus), et j'en suis ravie....
SupprimerJe n'ai jamais eu le courage de m'y plonger mais c'est tellement un incontournable que je vais forcément m'y mettre un jour.
RépondreSupprimerIl n'est jamais trop tard, en effet, et c'est le genre de pavé qui se lit plutôt vide, tant il est prenant..
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