"Eden Springs" - Laura Kasischke

"Des fois le soir, il nous lisait les Saintes Écritures et d'autres fois, il nous lisait des histoires cochonnes et riait comme un dément ...."

Me voilà bien embêtée : rarement une lecture m’a laissée, en si peu de temps, un souvenir aussi fugace. Je précise que je me suis appuyée, pour compléter mes propres notes, sur la préface dans laquelle Lola Lafon revient sur les événements à l’origine de ce récit, qui oscille entre roman et non fiction.

Laura Kasischke s’y inspire d’un fait divers qui défraya la chronique au début du XXème siècle, en lien avec une communauté religieuse fondée dans le Michigan par Benjamin Purnell, prédicateur très charismatique. 

Au départ constituée de cinq adeptes, la "Maison de David" s’enrichit bientôt de plusieurs centaines d’âmes venues pour certaines de contrées lointaines, telles l’Europe ou l’Australie.

La promesse est celle d’une jeunesse éternelle dont les fidèles jouiront dans le seul endroit protégé de la fin du monde. Bref, le paradis sur terre. On y croirait presque, à imaginer le grand domaine verdoyant recouvert de vignes et de vergers où s’est installé le séduisant gourou toujours vêtu de blanc, ainsi que les belles jeunes filles dont il aime s’entourer. En 1908, il y ouvre Eden Springs, grand parc d’attractions avec son zoo, son petit train et sa brasserie de plein air, qui attire des milliers de visiteurs.

L’esprit festif infuse aussi le quotidien de la communauté, où les soirées seraient placées sous le signe de la danse et de la musique… rumeurs qui semblent contradictoires avec la stricte morale chrétienne prônée par Benjamin, qui impose à ses fidèles le célibat et l’abstinence sexuelle. Mais il n’est sans doute pas à une incohérence près : lui-même aurait deux épouses.

"Eden Springs" est une succession de fragments, extraits d’articles de presse, de témoignages a posteriori ou d’épisodes fictionnels, qui font entendre les voix de fidèles, essentiellement celles de ces jeunes filles sous emprise qui orbitaient autour du maître.

On entrevoit d’emblée la chute à venir et son parfum de sexe et de scandale, avec l’évocation de la mort suspecte d’une adolescente.

Le récit de Laura Kasischke entretient la dimension mystérieuse et éminemment sulfureuse qui entoure le destin de cette communauté et d’un Benjamin Purnell qui n’apparaît qu’à travers les yeux ou la voix de ceux qui l’ont côtoyé. Tout en ellipses, il reflète me semble-t-il la volonté de l’auteure de retranscrire la confusion mentale, mélange de peur et de fascination, qui révèle l’emprise. Malheureusement, cette narration allusive, et l’absence de réel fil conducteur qui rend l’intrigue brouillonne, m’ont complètement détachée de ce texte que j’ai trouvé plus superficiel qu’énigmatique.

Frustrant.

D’autres titres pour découvrir Laura Kasischke :

La vie devant ses yeux

A Suspicious River

La couronne verte