"Les coups" - Jean Meckert
"J’ai toujours eu l’idée que j’étais plus profond qu’elle, mais mon profond à moi n’avait pas d’issue, il sifflait toujours en conneries, en grosses blagues, définitives après des essais laborieux de déballage."
Mais l’obsédante jalousie de Félix et ses difficultés à communiquer, en compliquant ses rapports aux autres, entraînent l’inéluctable délitement de leur relation. Notre narrateur est atteint d’une incapacité à argumenter de manière construite, et à trouver les mots pour exprimer ses émotions.
Une impuissance à laquelle est conférée une dimension sociale, liée à l’appartenance de Félix à la classe ouvrière, à laquelle le renvoient constamment les membres de la famille de Paulette, quant à eux issus d’une classe moyenne avide de se hisser au niveau de la petite-bourgeoisie. C’est avec une condescendance sans doute involontaire mais néanmoins humiliante qu’ils attribuent ainsi à Félix les caractéristiques d’un milieu que l’on juge, avec une irritante bienveillance, pittoresque mais ignare. Félix a beau voir que leur facilité langagière sonne creux, qu’elle se nourrit de lieux communs et d’une consensuelle platitude, il est démuni face à cet insidieux mépris dont il est la cible, et ne trouve que la rage pour exprimer sa frustration.
Il est ainsi victime d’un complexe de classe qui prend des proportions de plus en plus obsédantes, et qui ternit puis assombrit sa vision même de l’existence. Le voilà de nouveau écrasé par la médiocrité de sa vie, que ne vient même plus contrer le sentiment de révolte qui animait sa jeunesse. C’est la résignation face au "travailler pour vivre et vivre pour travailler", l’enfermement dans une condition dont on feint de se satisfaire, dans "une place propre et nette (…), avec des comprimés de morale si je veux, le côté du manche, et tout, le petit respect, la petite considération du voisin".
Commentaires
Une lecture triste et émouvante.
C’est bien rendu dans ta chronique.
Quant aux dialogues qui démontrent cette supériorité de classe par le langage, ils sont très éloquents, et sans doute d'autant plus irritants que l'on n'a pas tant affaire à l'élite qu'à des parvenus qui pensent l'être...
Il faudrait faire un vrai travail avec les adolescents et leur apprendre à mettre des mots sur leurs maux mais c'est un doux rêve...
Faire lire peut aussi aider à mieux manier la langue...
J'envisage de lire "Je suis un monstre", peut-être dans le cadre des "Classiques fantastiques", pour la thématique d'août (à vérifier si le titre y répond). Si cela te dis d'embarquer pour un 2e épisode ... !