"La ligne" - Jean-Christophe Tixier

"Il se demande comment on peut en arriver là, se dit que tout ça est une belle connerie, que les gens peuvent être de sacrés abrutis parfois."

C’est la nuit, dans un village. Des hommes tracent une ligne sur le sol, comme ils l’ont fait ailleurs, suite à une décision des autorités (nous n’en saurons pas plus). Un coup de feu éclate.

Découverte au matin par les villageois, la ligne va devenir source de tensions, ou révéler des antagonismes qui existaient déjà. L’intrigue se focalise sur deux familles qui s’opposent.

Les Wassner sont d’ici depuis toujours. Pat, le chef de famille, est le maire du village. Atteint d’une grave maladie, ses jours sont comptés. Sa fille Louise, agricultrice, est une femme pragmatique à l’excès, qui ne sent bien qu’avec des bottes aux pieds et semble dénuée de toute capacité à l’empathie. Elle est la mère célibataire de deux grands enfants, un adolescent revêche et pas très fin, qui cultive des plants de cannabis dans les champs de maïs de sa mère, et une jeune femme aussi débrouillarde qu’elle, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, et va bientôt se marier. Le fils de Pat, Tony, est au contraire un homme passif, un invisible qui se laisse porter par les événements et les décisions de sa femme Sophie, mère angoissée d’une petite Fleur qu’elle voudrait parfaite, qui trouve dans ses brefs ébats avec l’épicier Sam Polora l’embrasement que ne lui a jamais procuré son époux.

Les Polora sont justement l’autre clan dont il est question. Leurs parents, qui ne sont plus de ce monde, venaient d’ailleurs. Sam a deux frères : Philippe, propriétaire de l’unique bar du village dont il ne songe pas un instant à refaire la déco vieillotte et défraichie et Jacques, qui tient la station-service. Jacques a les dents longues. Il ambitionne de devenir maire, y a échoué lors des dernières élections, mais l’état de santé de l’édile en place ouvre des perspectives à court terme. Il est père de deux adolescents au caractère opposé, l’un qui a hérité de sa combativité et de son caractère ambitieux, l’autre sensible et vulnérable, qui rêve de quitter ce trou perdu et une famille où il ne se sent pas à sa place.

L’intrigue se structure autour des différentes relations qu’entretiennent tous ces personnages, marquées par la jalousie, la rivalité, et l’héritage de secrets laissés par leurs ascendants. 

L’apparition de la ligne est censée, on le suppose, révéler les mauvais penchants, la tentation du rejet et du séparatisme qu’il est si facile de susciter… alors on attend que la tension monte, et on attend, et on attend… entretemps, ce qui est surtout monté, c’est un ennui profond. Tantôt Jean-Christophe Tixier s’exprime par des allusions qu’on aimerait qu’il développe, et tantôt il met en avant son propos de manière trop démonstrative pour qu’il paraisse crédible. L’ensemble m’a par ailleurs paru très convenu, l’auteur enfonce des portes ouvertes puis n’en dépasse pas le seuil, ses personnages endossent leur rôle de manière quelque peu caricaturale, aucun d’entre eux ne parvenant à susciter de réelle sympathie. On tourne enfin la dernière page, si on est arrivé jusque-là, en se demandant "tout ça pour ça ?"…

Une grosse déception.

Pour découvrir Jean-Christophe Tixier, je recommande donc plutôt les excellents "Les mal-aimés" et "Effacer les hommes".