"Les mandragores" - Marius Degardin
"Moi, j’ai un petit problème avec l’amour. Je m’en méfie comme des prêtres."
Benito, qui préfère se faire appeler Benoît, est le narrateur. Il vient juste d’avoir dix-huit ans, et de louper sa tentative de suicide. Il vit avec sa sœur Chiara, une hyper sensible rebelle qui ne supporte pas l’injustice, aide-soignante à la maternité et affublée d’un bec de lièvre, et son frère Piero, musicien dans un lupanar. Piero est aveugle -sans doute une conséquence de l’alcool dans lequel il a baigné pendant neuf mois-, ce qui ne l’empêche pas de peindre des baleines "jusqu’à l’écœurement". Il boit beaucoup, aussi.
L’aîné, Primo, vit ailleurs. Il a été élevé par le riche aristocrate M. De P., que le père a connu en Algérie, et qui lui avait alors promis d’être le tuteur de son fils. Cela n’a pas vraiment été une chance... Si Primo est devenu un grand violoniste, c’est à coup de brûlures de cigarettes et au prix d’autres sévices dont une simple allusion fait comprendre l’ampleur. Il entretient, au cours de dîners de famille où la fratrie ne mange pas, sinon ses diatribes, la mémoire parentale à coups de haine et de rancune, s'acharnant sur "la carcasse de (leurs) parents absents", avant de donner à ses frères et sœur un peu d’argent pour subsister jusqu’à la prochaine réunion.
Or, la mère vient d’envoyer une lettre pour prévenir ses enfants de son retour.
Peut-être avez-vous, à la lecture de ce qui précède, soupçonné mon agacement… La plume de Marius Degardin est pourtant portée par une belle énergie, qui mêle la spontanéité et la familiarité de la voix de Benoît à une séduisante éloquence, empreinte d’humour subtil et de lyrisme. Mais c’est aussi une éloquence suspecte de la part d’un narrateur qui, à un moment du récit, appose un X à la fin d’un formulaire à signer… Ceci dit, même avant cet épisode, je n’y ai pas cru. J’ai trouvé l’ensemble "trop écrit", dissonant, révélant l’écrasante intention de l’auteur aux dépens de la véracité de son héros. Quant au contenu, il m’a donné l’impression d’une mixture qui n’aurait pas pris, par excès d’ingrédients trop caractérisés. Toxicité familiale, abus sexuels, alcoolisme, disgrâces physiques, pauvreté, mal-être… tout cela est mis en scène par un cumul bancal de poncifs ou de pseudo (car trop explicites) allusions, auquel s’ajoute une touche de bohême et d’originalité… pour aboutir à une espèce de happy end que j’ai personnellement trouvé incongru… bref, je n’y ai pas cru non plus.
Cela fait tout de même une participation à "Sous les pavés, les pages", la ville, avec ses bruits, ses odeurs, ses dénivelés…, s’insérant naturellement dans le texte à l’occasion, entre autres, des virées cyclistes de Benoît dans les rues de Paris.


C'est un roman dont j'ai entendu parler tôt, en août, je dirais, et puis... plus rien ! Ce qui m'a incitée à me diriger plutôt vers d'autres nouveautés... Le "trop" de tout, c'est souvent un défaut de premier roman, mais si on n'y croit pas, c'est plus embêtant.
RépondreSupprimerJe l'ai noté suite à l'avis très élogieux d'une blogueuse en qui j'ai une totale confiance, mais avec moi, ça n'a pas pris. L'écriture est belle, oui, mais j'ai trouvé que tout sonnait faux...
SupprimerIl me semble avoir lu un avis positif quelque part mais je ne sais plus chez qui. J'aurais pourtant aimé y revenir après ton billet qui pointe des problèmes assez rédhibitoires pour moi : le niveau d'expression d'un personnage totalement décalé avec son âge ou sa "réalité" en particulier a le don de m'horripiler.
RépondreSupprimerIl est très bien noté sur Babelio, et j'ai entendu le week-end dernier deux lecteurs en parler sur un salon du livre, de manière dithyrambique... je crois que j'attendais le moment om un autre narrateur prendrait la parole pour donner un point de vue "éclairant" sur cette dissonance qui m'a gênée tout au long de ma lecture, en vain...
SupprimerJe n'étais pas spécialement tentée malgré des retours assez dithyrambiques lus au moment de sa sortie, ton ressenti semble confirmer mes craintes. Pas de regrets donc :-)
RépondreSupprimerJe me sens presque illégitime à lui faire des reproches, au vu de l'engouement qu'a suscité ce titre, je suis peut-être passée à côté de quelque chose, mais même avec le recul, je persiste sur ce qui m'a paru être un flagrant manque de justesse.. Mon prochain billet évoquera le titre d'un autre jeune auteur que j'ai à l'inverse énormément aimé (ce qui me rassure un peu)...
SupprimerPas crédible? Allez, je passe sans regrets au vu de la taille de ma PAL :)
RépondreSupprimerNon, je n'y ai pas cru une seconde. Dommage, l'auteur a sinon une belle plume...
SupprimerMerci pour ton avis, je crois que je vais passer mon tour!
RépondreSupprimerSi je peux t'éviter de perdre ton temps, j'en suis ravie !
SupprimerL'ensemble n'est pas très tentant en effet. Trop, c'est trop ; ça devient un peu trop fréquent ces romans qui empilent les problématiques de peur d'en rater une ..
RépondreSupprimerL'auteur donne l'impression d'avoir en effet voulu cocher toutes les cases "famille toxique" et "personnages traumatiques", au dépens de la véracité de son intrigue et de ses héros.
SupprimerEn lisant le résumé, je me demandais comment tu avais survécu à cette avalanche de malheurs, ce n'est plus un roman, c'est un catalogue ... Un mauvais Zola !
RépondreSupprimerCa partait mal dès le départ en effet, entre la cécité et l'alcoolisme du frère, le bec-de-lièvre de la sœur, l'évocation des sévices subis par l'aîné... Je crois que tout ça serait bien mieux passé traité sur le mode burlesque, par exemple. N'ayant lu que des éloges à son sujet, j'ai tout de même insisté, mais à aucun moment je ne suis parvenue à m'impliquer dans ce texte. Et la fin a été la goutte d'eau....
SupprimerPas lu mais une amie a sensiblement le même avis que toi (elle a d'ailleurs eu du mal à entrer dedans et a peiné à le finir). Vu le jeune âge de l'auteur, on peut espérer qu'il saura s'améliorer dans sa manière d'évoquer ses sujets.
RépondreSupprimerUn grand merci pour ce commentaire qui me rassure un peu, car je me sentais bien seule... je souhaite en effet à l'auteur de trouver sa voix dans ses prochains textes, car il a tout de même une plume joliment éloquente...
Supprimeroh un pavé en plus ! oui, rien qu'en lisant ta présentation du roman, j'étais déjà écoeurée, incroyable le nombre de malheurs et tares qui frappent cette famille.. du coup, je passe mon tour, mais donc tu as réussi à le lire en entier, j'abandonne plus dorénavant ! je viens de finir un très bon roman argentin de mon côté
RépondreSupprimerLe pavé est celui des villes, et n'a pas de rapport ici, avec l'épaisseur du livre :)
SupprimerMoi aussi j'abandonne quand je n'accroche pas, d'habitude, mais il se lit heureusement assez vite, et cela m'embêtait de "perdre" une participation aux lectures urbaines..
Dommage car l'écriture paraissait belle. Ceci dit ce ne sont pas non plus des thèmes que j'ai envie d'explorer en ce moment alors ce n'est pas bien grave !
RépondreSupprimerC'est sûr.. et puis j'imagine que tu ne manques pas de livres à lire...
SupprimerSi tu n'y a pas cru, je passe mon tour sur celui-là. Je n'en avais pas encore entendu parler de toute façon et il n'est pas dans mes médiathèques. D'autres découvertes m'attendent....Merci pour ton ressenti, c'est dommage pour un premier roman...
RépondreSupprimerC'est d'autant plus dommage que le potentiel de l'auteur est évident... ceci dit, la plupart des lecteurs ont encensé ce titre.
SupprimerJe vais passer mon tour, ayant beaucoup de mal quand la narration ne semble pas naturelle...
RépondreSupprimerCe manque de naturel empêche l'immersion dans le texte, ce qui est très gênant pour de la fiction...
Supprimerla réponse à ta question :
RépondreSupprimerPeut-être avez-vous, à la lecture de ce qui précède, soupçonné mon agacement ?
oui oui et encore oui donc je ne note pas ce livre merci !
De rien !
SupprimerTon résumé au début me faisait craindre ce que tu décris, le trop plein l'intention trop présente, écrasante... dommage. mais top pour ma liste d'envies, merci! ^_^
RépondreSupprimerC'est bien aussi de ne pas avoir à noter, n'est-ce pas ?!
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