"Incandescences" - Ron Rash
"Mieux valait la solitude car elle ne permettait pas qu’existe un miroir à son propre chagrin."
Je n'ai pu m'empêcher de comparer ce recueil à celui de Flannery O'Connor, lu quelques jours auparavant. En effet, comme dans "Les braves gens ne courent pas les rues", la plupart des nouvelles qui le composent, se situant au cœur des Appalaches, ont pour cadre un environnement rural. Et j'ai immédiatement perçu une différence de taille entre les deux ouvrages : Flannery O'Connor nous livre une vision pessimiste et féroce de l'humanité, quand Ron Rash, bien qu'étranger à toute complaisance, laisse affleurer dans ses textes toute la tendresse qu'il éprouve pour ses personnages souvent pathétiques.
Les héros que mettent en scène ses textes représentent, chacun à sa manière, l'envers du rêve américain...
Les quatre premiers textes évoquent les extrémités auxquelles en sont réduits ceux que les difficultés financières acculent. La perte d'un emploi, l'obligation de faire face aux frais médicaux d'une vieille mère malade, poussent des individus sans histoires à basculer dans l'illégalité ou le mensonge, à renier certaines de leurs valeurs. Réduits à la survie, ils sont combatifs ou désespérés, fiers ou endurcis à l'extrême, parfois résignés... les liens familiaux, sociaux, en pâtissent aussi : le prix à payer pour ceux qui tiennent malgré tout, à force de renoncements, d'adaptation à la rigueur, est souvent la perte de l'empathie, une amertume qui éloigne des autres comme de soi-même. D'autres, ayant baissé les bras, sont tombés dans l'engrenage de l'addiction à la la méthamphétamine, cette drogue des pauvres blancs, qui permet de tout oublier, y compris ses responsabilités parentales ou le respect que l'on doit aux siens.
"Les temps difficiles", qui ouvre le recueil, et qui évoque les répercussions de la crise économique des années 20 sur les habitants des campagnes qui subissent en plus des privations des conditions climatiques très pénibles, est notamment très poignant.
Dans cet univers rugueux, être une femme se traduit souvent par un combat. De la guerre de Sécession à notre époque contemporaine, Ron Rash évoque leur manière de surmonter la solitude, de contrer la brutalité des hommes, de trouver leur place en laissant s'exprimer leurs ambitions... La jeune épouse enceinte d'un Lincolnite fait face, avec une détermination surprenante, à la concupiscence d'un confédéré venu lui voler ses poules. Une veuve se montre prête à tout pour assumer son choix d'un remariage avec un homme plus jeune qu'elle, venu d'ailleurs, individu laconique et impénétrable. Ruth est de ses femmes transparentes, discrètes, solitaires, qui vit comme anesthésiée depuis qu'elle a perdu un bébé de quelques heures, des années auparavant. Le décès de sa mère, par quelque réaction inconsciente aux conséquences obscures, l'incite à rechercher les traces de la présence de jaguars dans la Caroline du Sud d'antan.
"Incandescences" est comme une mosaïque dont l'assemblage des pièces compose un tableau varié mais cohérent de ces territoires où, entre attachement à la terre et difficultés du quotidien, Ron Rash nous fait croiser des êtres en butte à la misère ou à la solitude, hantés de détresses qui parfois leur font perdre toute dignité. Avec sensibilité et acuité, il nous fait toucher du doigt ces gouffres dans lesquels ils se débattent tant bien que mal, nous faisant éprouver une intense mélancolie, et un immense sentiment de gâchis.
"Les temps difficiles", qui ouvre le recueil, et qui évoque les répercussions de la crise économique des années 20 sur les habitants des campagnes qui subissent en plus des privations des conditions climatiques très pénibles, est notamment très poignant.
Dans cet univers rugueux, être une femme se traduit souvent par un combat. De la guerre de Sécession à notre époque contemporaine, Ron Rash évoque leur manière de surmonter la solitude, de contrer la brutalité des hommes, de trouver leur place en laissant s'exprimer leurs ambitions... La jeune épouse enceinte d'un Lincolnite fait face, avec une détermination surprenante, à la concupiscence d'un confédéré venu lui voler ses poules. Une veuve se montre prête à tout pour assumer son choix d'un remariage avec un homme plus jeune qu'elle, venu d'ailleurs, individu laconique et impénétrable. Ruth est de ses femmes transparentes, discrètes, solitaires, qui vit comme anesthésiée depuis qu'elle a perdu un bébé de quelques heures, des années auparavant. Le décès de sa mère, par quelque réaction inconsciente aux conséquences obscures, l'incite à rechercher les traces de la présence de jaguars dans la Caroline du Sud d'antan.
"Incandescences" est comme une mosaïque dont l'assemblage des pièces compose un tableau varié mais cohérent de ces territoires où, entre attachement à la terre et difficultés du quotidien, Ron Rash nous fait croiser des êtres en butte à la misère ou à la solitude, hantés de détresses qui parfois leur font perdre toute dignité. Avec sensibilité et acuité, il nous fait toucher du doigt ces gouffres dans lesquels ils se débattent tant bien que mal, nous faisant éprouver une intense mélancolie, et un immense sentiment de gâchis.
Un autre titre pour découvrir Ron Rash : Un pied au paradis.
Cette lecture me permet par ailleurs d'afficher une nouvelle participation au Mois de la Nouvelle, orchestré par Marie-Claude et Electra :
Commentaires
Vrai que O'Connor est noire et cruelle mais j'ai été totalement subjuguée par ses nouvelles
J'ai découvert Ron Rash avec ce recueil. Après, j'ai enchaîné avec ses romans: l'excellent "Une terre d'ombre" et le très décevant "Par le vent pleuré". Il m'en reste quelques-uns à lire.