"La mort selon Turner" - Tim Willocks
"Quiconque tentera de me briser mourra là où il est".
Tim Willocks nous offre avec son dernier titre un de ses héros à la Mattias Tannhauser, incorruptible, invincible, presque mythique...
... Un héros à la démarche un peu bizarre, dégageant un étrange magnétisme, dont la ténacité et le calme sont proverbiaux...
... Une sorte de justicier zen, capable de neutraliser un ennemi avec le pouce et l'index et de prendre le temps de vérifier, dans les situations les plus extrêmes, que son pouls ne dépasse pas les cinquante pulsations par minute...
... Un héros à la démarche un peu bizarre, dégageant un étrange magnétisme, dont la ténacité et le calme sont proverbiaux...
... Une sorte de justicier zen, capable de neutraliser un ennemi avec le pouce et l'index et de prendre le temps de vérifier, dans les situations les plus extrêmes, que son pouls ne dépasse pas les cinquante pulsations par minute...
L'époque et le lieu du roman n'ont toutefois rien à voir avec ceux de "La Religion", puisqu'il se déroule dans une Afrique du Sud contemporaine où, malgré la fin de l'Apartheid et l'espoir qu'a pu susciter l'accession au pouvoir de Nelson Mandela, les inégalités entre noirs et blancs subsistent, et le niveau d'insécurité a atteint des sommets. Au Cap, le nombre d'homicides dépasse de 30 % celui de la funeste Ciudad Juarez...
Une adolescente noire, sans-abri, est accidentellement écrasée contre le container à ordures où elle tentait de récupérer un cheese-burger avarié. Le conducteur responsable de sa mort, un jeune blanc, était tellement ivre au moment des faits qu'il ne s'est même pas rendu compte de l'accident. L'un de ses acolytes ayant perdu sur les lieux son portable, retrouvé dans la main du cadavre, l'inspecteur Turner, à qui échoue l'enquête, a tôt fait d’identifier le coupable ainsi que ceux qui l'accompagnaient. Il part pour Langkopf, seul, à plusieurs centaines de kilomètres du Cap, pour procéder à l'arrestation.
Voilà donc une affaire rondement menée... A ceci près que l'auteur de l'homicide est le fils de Margot Le Roux, richissime magnat du secteur minier, qui règne depuis sa colossale villa sur le Cap-Nord, région traversée par un désert hostile à toute forme de vie, univers de poussière et de cailloux... Native de ce territoire d'êtres rudes, impulsifs et peu liants, partie de rien, Margot a bâti sa fortune grâce à son implacable ténacité. Elle est habituée à faire plier individus et événements selon sa volonté, et il est hors de question que son fils, promis à une brillante carrière d'avocat, gâche son avenir pour une fille des rues comme il en meurt chaque jour des dizaines, pour un déchet humain de toute façon voué à mourir bientôt. Elle n'est d'ailleurs pas vraiment inquiète, elle a le pouvoir et l'argent, il suffira d'y mettre le prix...
Mais Turner n'est pas à vendre. Et, poussé par un intransigeant sens de la justice que ne viennent altérer aucune tentation, aucun compromis, aucune considération personnelle, il a une croisade à mener. La victime devient le symbole d'une civilisation en faillite, la représentante de laissés-pour-compte que l'on ne considère même pas comme des êtres humains. Il est déterminé à faire appliquer son droit à la justice pour lui rendre sa dignité perdue.
Le combat qui oppose Turner à Margot et à ses hommes de main expérimentés prend des allures de guerre à la fois sanglante et épique, donnant au récit un rythme et une tension dignes des plus grands films d'action. Tim Willocks aurait d'ailleurs sans doute pu se contenter de ce schéma certes rebattu du "héros justicier au cœur pur se battant seul contre tous" : l'efficacité et l'inventivité de son intrigue, ainsi que sa dimension cathartique, auraient satisfait la plupart des lecteurs, moi y compris... Mais il a l'intelligence de dépasser cette tentation du manichéisme, en dotant ses héros de motivations complexes, en s'interrogeant sur la pertinence de l'intégrité quand toutes les règles sont faussées, et sur le sens d'une justice qu'on ne peut rendre qu'à coups d’irréversibles dommages collatéraux...
A lire.
Le combat qui oppose Turner à Margot et à ses hommes de main expérimentés prend des allures de guerre à la fois sanglante et épique, donnant au récit un rythme et une tension dignes des plus grands films d'action. Tim Willocks aurait d'ailleurs sans doute pu se contenter de ce schéma certes rebattu du "héros justicier au cœur pur se battant seul contre tous" : l'efficacité et l'inventivité de son intrigue, ainsi que sa dimension cathartique, auraient satisfait la plupart des lecteurs, moi y compris... Mais il a l'intelligence de dépasser cette tentation du manichéisme, en dotant ses héros de motivations complexes, en s'interrogeant sur la pertinence de l'intégrité quand toutes les règles sont faussées, et sur le sens d'une justice qu'on ne peut rendre qu'à coups d’irréversibles dommages collatéraux...
A lire.
D'autres titres pour découvrir Tim Willocks :
La cavale de Billy Micklehurst
L'auteur sera par ailleurs présent à l'édition 2019 de "Lire en poche" à Gradignan (Gironde), du 11 au 13 octobre, en compagnie notamment de Adrien Bosc, Tonino Benacquista, Jonathan Coe, Frédérique Deghelt, Pete Fromm, Gaëlle Josse, Marin Ledun, Pascal Manoukian, Joe Meno, Eric Plamondon, Jean-Christophe Rufin, Gabriel Tallent, et des dizaines d'autres... (Plus de détails ICI)
L'auteur sera par ailleurs présent à l'édition 2019 de "Lire en poche" à Gradignan (Gironde), du 11 au 13 octobre, en compagnie notamment de Adrien Bosc, Tonino Benacquista, Jonathan Coe, Frédérique Deghelt, Pete Fromm, Gaëlle Josse, Marin Ledun, Pascal Manoukian, Joe Meno, Eric Plamondon, Jean-Christophe Rufin, Gabriel Tallent, et des dizaines d'autres... (Plus de détails ICI)
J'avais hésité à le lire à cause de la grosse déception des "enfants de Paris", la suite de la religion, je survole donc ta note, ne retenant que le à lire !
RépondreSupprimerJe suppose que tu vas aller à Gradignan ?
Je recommence mon commentaire où je disais que je retenais le A lire de la fin de ta note. Je vais passer outre mes doutes pour découvrir ce titre, malgré la grosse déception de la suite de La religion.
RépondreSupprimerTu vas à Gradignan de nouveau cette année ?
Je n'ai pas lu "Les enfants de Paris" vu les déceptions qu'il a suscitées (notamment la tienne). Ce titre n'a pas la densité, la richesse de "La Religion", mais il est très efficace, et pas aussi simpliste qu'on pourrait le croire à la lecture de sa première partie. C'est par moments un peu gros, le héros est à peine crédible, mais ça donne au récit un côté jouissif, comme quand, gamin, on lit des récits de super héros !
SupprimerAh, j'ai oublié de répondre à ta 2e question ! Oui, je vais à Gradignan, mon programme est déjà calé, et bien chargé, je me suis même inscrite à la dictée animée par O.Bourdeaut (il y a des livres à gagner...) ! A minima, je bloque les entretiens de J. Coe, Luc Plamondon, et Tim Willocks. Après, je devrais faire des choix, car certaines animations se déroulent en même temps...
Supprimerje l'ai trouvé efficace mais il m'a moins emporté que La Religion
RépondreSupprimerJe te rejoins parfaitement, il n'est pas du même niveau que La Religion, mais j'ai passé un très bon moment à sa lecture.
SupprimerTon billet est très tentant. Souvent dans ce genre de livre, le chevalier blanc n'est pas toujours crédible, mais on s'en moque un peu tellement on est accrochée .. Je t'envie pour "lire en poche".
RépondreSupprimerIl faut dire aussi que l'écriture de Willocks a une puissance d'évocation très prenante... j'espère que tu céderas à la tentation ! Et pour Lire en poche, peut-être auras-tu un jour l'occasion de t'y rendre, cela peut se coupler avec une visite de la région bordelaise, si tu ne connais pas déjà...). C'est un salon auquel je tiens particulier car il est très accessible, et entièrement gratuit malgré sa programmation de qualité..
SupprimerJe pense que ce n’est pas mon type de livres... (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerEn effet, il ne me serait pas venu à l'esprit de te le conseiller !!
SupprimerJe ne suis pas sûre non plus que ce livre me plaise...
RépondreSupprimerJe réalise avec ton commentaire que tu publies en effet très peu (voire pas) de billets sur des polars... c'est un genre qui ne t'attire pas ?
SupprimerBonjour Ingannmic, un roman qui "déménage". C'est le premier Willocks que je lisais, j'ai aimé même s'il y a quelques descriptions peu ragoûtantes... http://dasola.canalblog.com/archives/2019/06/22/37436148.html Bonne journée.
RépondreSupprimerBonjour Dasola,
Supprimer"Déménage" est un terme très juste ! Mais en plus, ce récit va au-delà du simple roman d'action, en amenant le lecteur à se questionner sur le sens de la justice...
Bonne semaine,
C'est certain, il n'y a pas beaucoup de bouquins qui s'élèvent au niveau de La religion ...
RépondreSupprimerL'an dernier lors de TPS Willocks expliquait qu'une de ses motivations pour écrire ce roman était de montrer ce qu'il se passe quand se retrouvent face à face deux personnes qui refusent toute négociation. Et c'est vrai qu'il y a ça aussi. parfaitement jouissif comme bouquin.
J'aurai l'occasion d'entendre ses arguments ce week-end, à Gradignan... je suis vraiment curieuse de rencontrer cet auteur atypique et talentueux.
Supprimerje n'ai encore lu aucun livre de Tim Willocks alors pourquoi pas? Si j'ai bien compris il vaudrait mieux commencer par "La religion"?
RépondreSupprimerC'est indiscutablement son meilleur titre ! J'avais aussi aimé Green River et Bad City Blues.
SupprimerEt pour que tu sois prévenue : c'est violent, et sanglant (mais pas que, sinon, ça n'aurait aucun intérêt)...
Oh dis donc, tu n'en es pas à ton premier Tim Willocks, loin de là ! Impressionnant.:) Je ne l'ai toujours pas lu et j'hésite car je n'arrive pas trop à déterminer si ses romans pourraient me plaire. Aussi La religion est un sacré pavé, de mémoire visuelle.
RépondreSupprimerOui, j'aime beaucoup cet auteur, il y a dans ses récits une violence et un souffle qui les rendent très forts (le revers de la médaille, c'est que cette violence prend parfois le pas sur le reste). Pour commencer, si La Religion, qui est en effet volumineux, te fait peur, tu peux te lancer dans Green River par exemple..
SupprimerJ'ai comme une envies de lire un polar. Ça fait trop longtemps. Et ce titre de Willocks, avec l'Afrique du Sud pour décor, ça me dit.
RépondreSupprimerMerci pour la tentation et bon week-end à Gradignan!
C'est un titre addictif, et assez jouissif, comme l'écrit Jean-Marc... une bonne entrée en matière pour découvrir cet auteur. Et le WE devrait être bon, oui, avec tout ce beau monde !
SupprimerJ e n'ai pas lu celui-ci Mais La Religion m'a passionnée surtout que je l'ai lu juste avant de partir à Malte.
RépondreSupprimerOui, je crois me souvenir de ton billet. Comme tu l'auras compris, ce titre n'atteint pas l'excellence de La Religion, mais c'est un très bon roman tout de même...
SupprimerBonjour Ingannmic, j'ai La religion qui m'attend dans une des mes nombreuses Pal et aussi Green River. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerBonsoir Dasola,
SupprimerGreen River est très bon, c'est un polar très efficace et comme souvent avec Willocks, d'une violence parfois à peine supportable... mais La Religion, aah, je t'envierais presque de ne pas l'avoir encore lu ! Un très très grand moment de lecture. J'ai eu le plaisir d'entendre l'auteur ce week-end, au salon du livre de poche qui se déroulait près de chez moi, et il a expliqué qu'il était en réflexion pour l'écriture du 3e opus de la trilogie qu'entame La Religion. Il expliquait que ce n'était pas facile, parce qu'il devait au héros de cette trilogie (Tannhauser) un récit à la hauteur de sa magnificence !
Bonne soirée
Avec ces deux personnages hors normes : Un flic noir intègre et jusqu’au-boutiste et une femme blanche qui a construit de ses mains un empire, quand ils entrent en guerre, ça fait des dégâts ! Comme d'habitude Willocks nous donne un roman d'une grande ampleur. Un grand roman noir à mon avis, mais je sens de ta part quelques réserves non exprimées, non ? La violence peut être ?
RépondreSupprimerNon, non, pas de réserves au final. C'est juste qu'à un moment je me suis dit "bon bah, Willocks a voulu nous livrer avec ce titre un western contemporain et noir, un roman d'action très prenant mais un peu vain", mais non, le dernier tiers du roman a complètement effacé cet a priori.. Comme je l'écrivais dans ma réponse au commentaire de Dasola, j'ai rencontré Tim Willocks ce week-end sur un salon. Il racontait -entre autres choses passionnantes- qu'en écrivant La mort selon Turner, lorsqu'il était sur les chapitres concernant Turner, il se sentait en accord avec ses principes, ses motivations, mais que lorsqu'il passait à ceux concernant Margot, il se disait alors "mais non, c'est elle qui a raison".. bref, tout a pour dire que son but était de démontrer à quel point l'idée de justice était complexe et relative.
SupprimerEt la violence ne me dérange pas en littérature, au contraire (si c'était le cas, je me serais arrêtée à la lecture de Bad City Blues...), bien traitée, elle apporte de la puissance, de la tension aux textes. Mais l'évoquer ne doit pas être un but en soi... Willocks a d'ailleurs aussi beaucoup parlé de sa fascination pour la violence.
J'avais adoré, dévoré Les douze enfants de Paris. Ton billet me remet en mémoire cet auteur. Je vais essayer de lire un de ses romans prochainement.
RépondreSupprimerAh, c'est le seul que je n'ai pas lu. Je t'avoue qu'avant le tien, je n'avais lu que des avis négatifs à son sujet... si tu le peux, lis La Religion, il est génial (tu y retrouveras Tannhauser avant Les 12 enfants de Paris).
SupprimerAh bon, des avis négatifs? Mince, j'avais vraiment adoré! :) c'était quoi les arguments de ces avis négatifs?
RépondreSupprimerEntre autres, trop de surenchère dans la violence et le sanguinolent, une intrigue cousue de fil blanc, pas de suspense.. et je reprends les arguments de lecteurs ayant adoré La Religion (très violent aussi). Mais bon, je le testerai peut-être, pour me faire ma propre idée !
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