LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"L'empire de Nistor Polobok" - Iulian Ciocan

Au bord du gouffre.

"Sexagénaire trapu à la barbe en fil barbelé poivre et sel", Nistor Polobok est chef du cabinet Architecture-Urbanisme-Cadastre à l'hôtel de ville de Chișinău. Comme tous ses pairs, il a bâti sa fortune sur la corruption. Il vit dans une maison digne d'un palais et possède une BMW avec chauffeur, signes extérieurs de richesse qui exhaussent l'amertume résignée des moins bien lotis. 

En rentrant chez lui après une journée de travail (consistant en l'obtention d'un dessous-de-table de 3000 euros pour avoir autorisé la construction d'une station-service dans un petit parc du centre-ville), il se tord la cheville sur une fissure apparue sur le trottoir devant sa maison, événement contrariant mais anodin au vu de de ce qui s'annonce... Car cette fissure s’agrandit inexorablement, devient crevasse, malgré les interventions des ouvriers venus la combler. Bientôt, elle menace sa maison.

Nistor fait des rêves qui le hantent d'une angoisse étouffante, dans lesquels, après avoir revécu un épisode humiliant de son enfance, il devient agresseur à son tour, et fend l'objectif d'une caméra filmant la scène. Apercevant par ailleurs au fond du gouffre ouvert par la fissure une foule cauchemardesque et grouillante, il se persuade être responsable de son apparition, et de la future destruction de Chișinău que son élargissement ne va manquer de provoquer. Sa visite à une voyante le conforte dans cette certitude, et lui apprend que seul le pardon d'une femme à qui il a fait du tort permettra de sauver la ville, voire la Moldavie...

Seulement, Nistor, en sempiternel goujat, est bien embêté : à laquelle de la pléthore de femmes -la sienne y compris- auxquelles il a manqué de respect doit-il présenter des excuses ?! En même temps qu'il y réfléchit avec angoisse, plus désireux de sauver sa peau que vraiment culpabilisé, il commence à faire des dons à des associations caritatives. Il est pris pour un fou par ses proches.

Avec cette farce volontairement peu subtile mais cocasse, peuplée de personnages grossiers et souvent antipathiques, Iulian Ciocan dresse le portrait d'une Moldavie gangrenée par la corruption et les inégalités, partant du postulat que ce petit pays détiendrait le record mondial de magouilles et de pourritures... il est clairement exprimé dans le récit que cette décadence morale est liée à la "Transition" moldave, période initiée avec la proclamation de l'indépendance en 1991, au cours de laquelle vols, viols, crimes et fourberie auraient atteint des sommets, constituant le Mal accumulé au fond de la crevasse...

Je doute que cette lecture me laisse une empreinte durable, mais l'énergie et l'humour burlesque que déploie l'auteur m'ont permis de passer un très bon moment.

Elle me permet par ailleurs de participer une nouvelle fois au Mois de l'Europe de l'Est de Goran, Patrice et Eva :

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Commentaires

  1. oh très bizarre .. pas ma tasse de thé .. je fais une pause dans ma journée de télétravail
    pas envie de lire ni de publier ... merci à toi de le faire

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    1. Je suis en télé travail et pas trop le temps de lire non plus (adieu fantasme du confinement permettant de lire à l'envi et de vider ma PAL...)... disons que j'ai quelques billets d'avance, grâce aux lectures faites à l'époque où nous allions encore travailler grâce aux transports en commun !!

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  2. Ah oui, je lis bien moins que lorsque je me déplaçais au travail ! Ce livre ne m'attire pas plus que ça, le côté burlesque m'effraie un peu.

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    1. C'est personnellement ce que j'ai préféré, mais il faut en effet aimer les récits loufoques...

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  3. Oh ben moi je le lirais bien, je n'ai pas lu grand chose côté moldave. L'intrigue et les thématiques me parlent, l'humour burlesque aussi, apparemment on passe quand même un bon moment de lecture. Des fois c'est largement suffisant.:) (mais dommage quand même que ce ne soit pas plus marquant que ça)

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    1. Il peut te plaire, oui, à toi qui as apprécié "L'étrange histoire de l'ours....". On est un peu dans le même esprit, mais avec une écriture disons... plus rudimentaire !

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  4. Ce n'est pas le style de littérature que je préfère chez les auteurs de l'Est .. je vais passer.

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    1. C'est vrai qu'on est là plus dans la veine d'un Boulgakov, par exemple, que d'un Dostoïevski ! Moi, j'aime les 2 genres, même si le genre "tragique et sombre" procure, il est vrai, des émotions plus intenses à la lecture..

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  5. je ne suis pas sûre qu'il me plaise... J'ai encore beaucoup de livres à découvrir pour le challenge 2021 !

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    1. C'est sûr qu'il y a de quoi faire avec ces auteurs de l'est ! J'ai lu 10 titres pour l'édition de cette année, et il m'en reste presque encore le double dans ma PAL... sans compter tous les nouveaux titres notés récemment ! Et j'avoue que celui-ci, bien que plaisant, n'est pas selon moi à faire figurer dans les priorités !

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  6. C'est étrange que cela te fasse juste passer un bon moment alors que ce qu'il révèle de son pays est horrible ?

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    1. Le propos est en effet tragique, mais le ton est complètement loufoque, et donc très divertissant. L'auteur choisit l'humour pour faire passer son message. On peut trouver cela étrange, en effet. Ta remarque m'a fait penser aux romans d'Edgar Hilsenrath, qui aborde des sujets terribles (comme la Shoah ou le Génocide arménien) sur un ton burlesque et irrévérencieux. Je comprends que cela puisse en choquer certains, mais le rire n'empêche pas le message de passer, finalement...

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  7. Je trouve ta description tout de même assez tentante. Très original ! (Patrice - Et si on bouquinait ?)

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    1. Mais oui, laisse-toi tenter ! Je ne regrette pas ma lecture, elle a été divertissante, et puis c'est toujours très intéressant, de pouvoir faire une incursion dans une contrée méconnue (même si la manière dont elle est ici dépeinte ne la rend pas très attirante !).

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