"Le meurtre du commandeur - La métaphore se déplace" (Tome II) - Haruki Murakami
"S'il y a des choses que le temps vous prend, il y en a aussi qu'il vous offre. C'est une tâche importante que de faire du temps son allié".
J'étais impatiente, après ma lecture du premier tome du "Meurtre du commandeur", de retrouver son narrateur anonyme, Marié, Menshiki et Shôko...
Allais-je enfin connaître le détail des événements survenus à Vienne à la fin des années trente, qui avaient inspiré la toile que Tomohiko Amada, après avoir peinte, avait dissimulée dans son grenier ?
Le narrateur parviendrait-il à terminer le portrait de la petite Marié, et à quoi allait-il ressembler ?
Le mystérieux Menshiki allait-il dévoiler ses secrets ?
L'inquiétant individu "à la subaru blanche" resurgirait-il, et en saurai-je davantage à son sujet ? …
Evidemment, pour des raisons déontologiques, je ne répondrai pas à ces questions. Sachez simplement que même en lisant ce deuxième opus du "Meurtre du commandeur", vous n’obtiendrez de réponses qu’à bien peu d’entre elles. L'intrigue tourne autour de la disparition soudaine de Marié, et de l’étrange parcours que devra suivre le narrateur non pour la retrouver, mais pour qu’elle réapparaisse.
En habituée de Murakami, je n’ai pas été gênée par le fait que la plupart des énigmes posées restent irrésolues. C'est avec plaisir que je suis replongée dans la cohabitation insolite qu’il installe entre une routine monotone et banale (bien que jamais ennuyeuse), dépeinte avec force détails a priori inintéressants, et la survenance d’événements surnaturels. Le charme si caractéristique de ses ambiances est en grande partie dû à la porosité ainsi créée entre réel et fantastique, entre la réalité brute des faits et la manière dont ils deviennent, à travers le prisme de l’interprétation et de l’impression, significatifs et mystérieux.
Haruki Murakami déploie tout un symbolisme que l’on devine présent, sans pour autant le comprendre, car il ne nous donne pas les clés pour le faire. Sans doute parce que le but n’est pas d’expliquer les paraboles ou les métaphores qu’il sème au fil de son histoire, mais de laisser le lecteur libre de les comprendre à sa guise. Et parce qu’il n’y a pas de "bonne réponse", il n’y a pas d’élucidation unique du mystère qu’il suggère, tapi dans les recoins d’une normalité fluctuant selon le regard que l’on y porte. Comme l’œuvre d’art dont le sens se révèle autant dans l’œil, la sensibilité, la prescience de celui qui la contemple que dans ce qu'y a investi celui qui l’a exécuté, la réalité et ses déviations comptent ainsi autant de significations que d’esprits qui l’observent, l’analysent, la ressentent.
Le narrateur du roman n’est ainsi qu’un de ces observateurs qui vit l’une des versions de ces possibles occultes que fait naître la rencontre entre le concret et le fabuleux. Peut-être a-t-il été choisi pour sa conscience aiguë de la vacuité de son existence, pour son absence de convoitise ou d’angoisse existentielle, qui lui permettent une saine curiosité et une foncière honnêteté envers les autres comme envers lui-même. Et en s’engageant dans le parcours effrayant mais inéluctable et nécessaire qui ramènera Marié dans le monde tangible, au cours duquel il affronte ses traumatismes, ses peurs, c’est aussi la voie vers son propre accomplissement qu’il emprunte sans doute…
"Dans ce monde, il n'y a sans doute rien de certain, dis-je. Mais on peut au moins croire à quelque chose".
J'ai eu le plaisir de faire cette lecture, comme celle du premier tome, en commun avec Jostein : SON AVIS EST ICI.
Commentaires
Je crois que c’était notre dernière LC programmée. Il doit nous rester La constellation du chien en commun 😉
Et tu as raison, oui, et meilleure mémoire que moi, il reste le roman de Peter Heller sur nos PAL respectives. Je serai partante pour une LC plutôt à partir de la fin septembre.