"Un si bel amour et autres nouvelles" - Ludmila Oulitskaïa
"Mais maintenant ils étaient tous morts ; c'est comme si la boucle de sa vie s'était refermée sur elle-même, et le passé, éclairé par la lumière cinématographique du bonheur, avait voracement englouti tant le présent dépeuplé que l'avenir privé du moindre sens."
Ce n'est qu'à la lecture du recueil de Ludmila Oulitskaïa, que l'on saisit la dimension complexe -voire cynique ?- de son titre. Car si d'amour il y est bien question, les formes sous lesquelles il se manifeste peuvent sembler inhabituelles. Peut-être parce qu'en mettant en scène, dans la plupart de ses textes, des personnages au seuil de l'adolescence, l'auteure capte le moment où, davantage soumis à ses élans instinctifs qu'à des exigences sociales, l'être se laisse aller à des engouements défiant la morale et la "normalité", bien que souvent platoniques...
Elle montre à la fois la spontanéité et la vulnérabilité qu'entraînent la soif d'initiation et la confiance qu'accordent ses jeunes héros et héroïnes à l'aura parfois trompeuse que dégage l'objet de leur amour, parce qu'il est plus expérimenté, ou simplement parce que la nature du lien, familial ou social, qui l'attache à cet objet (professeur, beau-père, mère...), facilite l'emprise.
Traquant dans des épisodes parfois très brefs le détail révélateur des émotions et la complexité des relations inter-personnelles, elle rend l'émouvante fragilité de cette période de la vie où l'on oscille entre curiosité et candeur, entre fanfaronnade et embarras voire dégoût face aux métamorphoses qui bouleversent corps et esprit. Avec tendresse mais sans angélisme, elle évoque aussi la passion, la jalousie, la cruauté parfois, qui motivent les élans de ses personnages, ou la perversion dont ils sont victimes.
L'amour se porte ici vers un arrière-grand-père mourant, garant d'une histoire familiale et culturelle où mythes collectifs et souvenirs personnels s'amalgament, là vers une professeure dont la joliesse et l'élégance éblouit une élève issue d'un milieu fruste, ou vers un beau-père initiateur de pratiques dont l'enfant ignore l'immoralité... l'atmosphère peut se faire à l'occasion subtilement surnaturelle, comme avec la nouvelle intitulée "La bête", qui pourrait se réclamer de l'influence d'un Edgar Poe, et dans laquelle la présence inexplicable d'un félin tenace renvoie au souvenir d'un défunt mari.
En toile de fond, la Russie socialiste fait peser la menace de sa morale psycho-rigide et punitive, conférant à ces histoires, par une sorte de contraste, une connotation transgressive...
En toile de fond, la Russie socialiste fait peser la menace de sa morale psycho-rigide et punitive, conférant à ces histoires, par une sorte de contraste, une connotation transgressive...
D'autres titres pour découvrir Ludmila Oulitaskaïa :
Pourquoi pas? Mais si la Médiathèque ne tarde pas trop à recommencer les prêts...
RépondreSupprimerJ'espère, oui, que nous pourrons bientôt nous réapprovisionner... Même si j'ai encore du stock, j'ai noté quelques titres pendant ce confinement qu'il me tarde de lire !!
SupprimerJe n'ai lu que Sonietchka, que j'avais beaucoup aimé. J'avais noté ici De joyeuses funérailles, ce billet me le rappelle, je souligne !
RépondreSupprimerC'est ma troisième lecture de cette autrice, et un triplé gagnant ! La prochaine fois, je me consacrerai à un de ces romans plus denses (j'avais noté L'échelle de Jacob, notamment).
SupprimerJe n'ai jamais lu cet auteur, je le note pourquoi pas ? Bonne journée à toi !
RépondreSupprimerSonietchka est très bien pour commencer, court et son intrigue est centrée sur le plaisir de la lecture ! Par contre, je t'avertis : il ne faut pas lire la 4e de couverture, qui résume l'histoire du début à la fin...
SupprimerComme Keisha, si je le trouve à la bibli. Je n'ai lu que "Sonietchka" qui m'avait plu.
RépondreSupprimerDans ce cas, ce recueil de nouvelles devrait te plaire aussi, on y retrouve le talent de l'auteure pour la concision, et sa capacité à camper en peu de pages des personnages attachants et consistants.
SupprimerJe note l'autrice en tout cas.
RépondreSupprimerBonne idée ! Elle a une bibliographie assez vaste pour que tu y trouves ton bonheur, et certains de ses titres sont très courts, ce qui permet de la découvrir sans s'engager dans du long terme !
SupprimerJ'ai lu un seul recueil d'elle - mais pourquoi me suis-je arrêtée ? (parce qu'il y a trop de livres, d'accord). Toujours est-il que tu me donnes sacrément envie de m'y remettre !
RépondreSupprimerOui, je me dis que c'est une valeur sure, si je me fie aux trois titres lus à ce jour...
Supprimerj'ai déjà noté "Sonietchka" et "De joyeuses funérailles" je rajoute celui-ci pour découvrir l'auteure (prévu pour le prochain Challenge
RépondreSupprimerEt en plus, tu peux cumuler deux challenges avec les titres notés : celui de l'Europe de l'est et celui de la Nouvelle !
SupprimerTu m'as donné envie de lire ce roman et j'ai lu aussi ton billet sur Sonietshka et ça me tente aussi même si ce n'est pas pour tout de suite :-)
RépondreSupprimerC'est bien de l'avoir sur ses étagères, même pour plus tard en effet : c'est un tout petit livre qui trouve aisément sa place entre deux lectures plus longues !
Supprimerje n'ai pas lu ces nouvelles car ce n'est pas là que va ma préférence mais j'aime beaucoup cette auteure mon préféré restant De joyeuses funérailles
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ce titre moi aussi. Il me reste à approfondir la découverte de cette auteure avant d'élire un "préféré". Le prochain sera sans doute "L'échelle de Jacob". Tu l'as lu ?
SupprimerJ'ai toujours Sonietcha dans ma PAL (et merci pour le rappel de la 4ème de couverture :-)) mais ce très joli billet va me faire rajouter ce titre également !
RépondreSupprimerC'est une autrice dont j'approfondis la découverte avec plaisir, et je suis ravie si je donne envie à d'autres lecteurs de se plonger dans ses textes sobres et justes.
SupprimerJ'ai l'impression que c'est une auteure dont on peut ouvrir n'importe quel livre avec confiance.
RépondreSupprimerSi je me fie aux trois titres que j'ai lus jusqu'à présent, je confirme...
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