"England, England" - Julian Barnes
"...Alors l'Angleterre vient à moi, et qu'est-ce que je lui dis ? Je lui dis : "Ecoute, ma poule, regarde la réalité en face. Nous sommes au troisième millénaire, et tes nichons sont en berne. La solution n'est pas un soutien-gorge pigeonnant".
L’île de Wight est l’heureuse élue où s’installe le
gigantesque Parc d’Attractions. L’entreprise est un succès, et le site finit
même par faire, sans effusion de sang, sécession, adoptant sa propre
règlementation et élisant son propre parlement. Mais ne nous y trompons pas :
il n’est pas ici question de concrétiser quelque utopie. Le fonctionnement
de ce nouvel Etat, ersatz de pays géré comme une multinationale, est purement
basé sur l’économie de marché.
Il me semble qu’England, England est un très bon roman :
ses personnages principaux ne manquent pas de piquant.
A commencer bien sûr par l’instigateur de ce pharaonesque
projet, l’insupportable, cabotin et tyrannique Jack Pitman, qui troque parfois
sa superbe arrogance pour l’expression de pitoyables et hilarantes perversions.
Mais il y a aussi Martha Cochrane, héroïne centrale du roman,
que Pitman recrute (ce qu’il finira par regretter) pour son cynisme et sa
capacité à ne jamais se laisser démonter. On peut même dire de Martha, quadragénaire
intelligente et calculatrice, qu’elle cultive le cynisme comme mode de vie, par
ambition sans doute mais aussi, comme on le devine peu à peu, par un
inconscient réflexe d’autodéfense tirant son origine d’une croissante déception
face à la vacuité de l’existence. L’âge avançant, elle réalise qu’elle n’a pas
de réelle prise sur sa vie, que le sort et ses caprices sont sans doute plus responsables
de ce qu’elle est devenue qu’une suite explicable de causes et d’effets sur
lesquelles elle aurait eu quelque influence.
A côté de ces deux figures remarquables bien que
complètement différentes, il faut toutefois avouer que les personnages
secondaires ont du mal à trouver leur place…
Il me semble qu’England, England est un très bon roman :
il est riche de passionnantes thématiques.
Celle de l’envahissement par l’appât du gain et la quête de pouvoir de tous les aspects de nos vies, y compris de ce qui a priori ne s’achète pas, valeurs, principes, richesses culturelles ou patrimoine social ; celle de la perte de l’authenticité au profit d’une certaine dictature du ludique et de la propension de l’individu consumériste à chercher la facilité et l’immédiateté plutôt que la sincérité ; celle de l’avènement d’un monde où on préfère les répliques aux originaux, car la réalité de la réplique peut peut être possédée, appréhendée, réordonnée.
Il me semble qu’England, England est un très bon roman : l’écriture en est riche et vive, d’une irréprochable élégance que le ton, féroce et facétieux, empêche toutefois de paraître figée.
"England, England" avait donc, a priori, tout pour plaire.
Et pourtant, pour je ne sais quelle obscure raison, j’ai eu
un mal fou à m’impliquer dans cette lecture, à me motiver pour la poursuivre. Peut-être
ce désintérêt a-t-il pris pied dans cette sensation d’une intrigue un peu
décousue, sans réel fil conducteur, empruntant des pistes que l’on ne suit pas
toujours jusqu’à leur terme ?
Peut-être…
Un autre titre pour découvrir Julian Barnes : Une fille, qui danse.
Et c'est une nouvelle participation au Mois Anglais, chez Lou, Titine et Cryssilda.
J'ai beaucoup aimé "Une fille qui danse" de lui ; j'en ai lu un autre il y a des années, je ne sais plus lequel. Il m'avait plu aussi. Je tenterai bien autre chose, mais je ne sais pas quand.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé aussi "Une fille, qui danse" et là.. très étrange, cette impression d'être face à un titre bourré de qualités mais qui n'emporte pas.. sans que je sois parvenue à vraiment mettre le doigt sur ce ui m'en a empêchée.
SupprimerTiens, je ne l'ai pas lu, celui là!
RépondreSupprimerJe suis tentée de te le conseiller quand même, parce que je crois qu'il est très bien, et j'aimerais avoir un autre avis !
SupprimerUn Julian Barnes que je n'ai pas lu, et qui te semble à très bon roman, je m'apprêtais à foncer le noter... mais ta conclusion me laisse perplexe... ;-)
RépondreSupprimerJe dois avouer que je suis moi-même perplexe face à mon sentiment mitigé. Peut-être ne l'ai-je pas lu au bon moment ?? N'hésite pas à tenter, donc, il te plaira sans doute !
SupprimerC’est pas mal Barnes, peut-être de qualité variable, mais il y a des choses très délicates. J’avais aimé La Table citron de lui.
RépondreSupprimerL'ennui, c'est que la qualité est bien au rendez-vous ici, mais il y a un petit quelque chose, dans la construction de l'intrigue, je crois, qui m'en a tenue éloignée. Un peu comme si l'auteur avait avancé dans l'histoire sans avoir prévu une destination précise..
SupprimerJe suis perplexe déjà! Je lève le nez et passe mon chemin. Bonne suite du mois anglais.
RépondreSupprimerC'est pourtant un auteur qui vaut le détour. Je n'en ai lu que deux, dont celui-ci qui est à l'origine, tu l'auras compris, d'un sentiment bizarre mêlant admiration et vague désintérêt, mais il a sinon une bibliographie très riche, dans laquelle je pense aller repiocher un jour.
SupprimerDe meme je n'ai pas assimile son histoire du monde....mais je ne desespere pas a m'attacher a cet auteur...;)
RépondreSupprimerPour l'instant, il a un partout en ce qui me concerne, de quoi lui laisser le bénéfice du doute..
SupprimerJ'ai adoré "Une fille, qui danse", mais "La seule histoire" m'avait déçue. J'ai l'impression que Barnes est un auteur complexe. Je compte le relire, on verra avec quel titre.
RépondreSupprimerJe note donc de ne pas continuer sa découverte avec "La seule histoire" et retiens plutôt "La table citron", recommandé ci-dessus par Nathalie.
Supprimermoi je laisse tomber cet auteur avec lequel je n'ai jamais vraiment accroché...
RépondreSupprimerTu as essayé quels titres ?
SupprimerLe perroquet de Flaubert
SupprimerJe retiens... pour l'éviter !
SupprimerIl est amusant ton billet, on s'attend bien à cette perplexité finale... De Julian Barnes, je n'ai lu que Une fille, qui danse, que j'avais bien aimé...
RépondreSupprimerCette lecture a été une expérience assez bizarre, je lisais en me disant "ça a l'air bien mais je n'accroche pas", et comme il m'a été prêté par un ami qui l'a trouvé génial, je n'osais pas trop abandonner..
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