LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Murène" - Valentine Goby

"J’écris sur le pari de vivre, les métamorphoses qu’il engendre, et le réel n’est pas moins cruel que la fiction dans son obstination à défier notre préférence pour la vie".

Dire que la vie de François Sandre bascule lors du rigoureux hiver 56 est un euphémisme. Ce beau jeune homme athlétique, joyeux, solaire, amoureux fou d’une énergique rouquine -Nine- dont il a récemment fait la connaissance, doit être amputé des deux bras suite à un accident qui le laisse de longs mois entre la vie et la mort.

"Murène" est le récit du long et douloureux parcours qui l’amènera vers sa reconstruction. 

Un parcours qui s’apparente à un deuil, dont il emprunte les étapes (du déni à l’acceptation, en passant par de terribles phases de renoncement ou de rage), auquel s’ajoute la torture de douleurs physiques dont l’auteure décrit l’atroce palette de manière quasi-clinique, des sensations permanentes d’intense inconfort aux souffrances si insupportables qu’elle en deviennent une source de terreur, en passant par les efforts surhumains pour résister à la tentation d’augmenter les doses de morphine. Elle ne nous épargne pas non plus le spectacle des humiliations qu’engendre la dépendance, ce sentiment que le corps ne nous appartient plus, et qu’il nous a trahi.

"Sa verge pisse à leur demande dans un tuyau, comme si de rien n’était. Le corps fonctionne. Collabo."

Et puis il y a l’apprentissage des nouveaux gestes pour remplacer ceux qui sont définitivement perdus, dont s’allonge chaque jour la liste : se brosser les dents, caresser (un tissu, un animal, une chevelure…), ramer, porter sa sœur sur ses épaules, prendre une femme dans ses bras... Le deuil n’est pas que celui des membres perdus : la métamorphose du corps et le handicap conséquent font de l’individu un autre, imposent le réajustement à une nouvelle existence qui tourne dans un premier temps autour de tout ce qui est devenu impossible. Au point que parfois, aux yeux de cet homme indépendant, casse-cou, manuel, la mort aurait été préférable.

Le chemin est long, pénible, aux petites victoires succèdent les grands moments d’abattement et de dégoût. Il mène pourtant peu à peu à une possible réconciliation avec la vie et avec soi-même. Grâce à d’autres dont la force loyale empêchent l’effondrement total -retenons au passage deux de ces personnages lumineux dont l’auteure a le secret : l’infirmière Nadine et la jeune sœur Sylvia- puis grâce au sport, lorsque l’impensable (dépasser la tentation de la solitude, de la honte face à l’obscénité des efforts accomplis par des corps mutilés, incomplets) devient un projet à la fois intime et collectif, et l'occasion d'évoquer les prémisses du handisport.

Valentine Goby s’empare de ce sujet douloureux -et casse-gueule- avec cette efficace vivacité qui caractérise son écriture, cette attention acérée qu’elle porte au réel, et cette apparente facilité à saisir et retranscrire le sel de l’instant. Ce sont paradoxalement ces qualités qui m’amènent à exprimer un (très) léger bémol -je chipote, je chipote…-, lié à la vague impression que l’aspect impeccable du texte laisse parfois transparaître la technique stylistique, au dépens d’une certaine intensité.

A lire tout de même, bien sûr !


D'autres titres pour découvrir Valentine Goby :

Une idée piochée chez Krol, une participation à l’activité « Lire autour du handicap » et au Petit Bac 2022 d’Enna, catégorie ANIMAL.


Commentaires

  1. J'évite tout ce qui se passe en milieu médical et tout ce qui touche aux souffrances du corps, alors je ne pense pas qu'il soit pour moi.

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    1. Dans ce cas je te le déconseille en effet, il y a une longue partie sur l'hospitalisation..

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  2. Lire autour du handicap, oui, mais j'ai trop de mal avec Valentine Goby...

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    1. Oh, il y a au choix tout un tas d'autres titres sur ce thème !

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  3. c'est une auteure que je n'apprécie pas, je trouve qu'elle se plaît dans ce qui nous est le plus insupportable .

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    1. J'ai personnellement aimé les trois titres que j'ai lus d'elle. J'aime son écriture, et s'il est vrai que les sujets de ses livres sont souvent douloureux, je trouve qu'elle les traite avec empathie mais sans pathos, et avec un style énergique qui donne toujours à ses romans une pointe d'espoir et/ou d'optimisme.

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  4. Je n'ai lu d'elle que Kinderzimmer pour l'instant et j'ai Un paquebot dans les arbres dans ma pal. Je lirai celui-ci aussi, je pense, un jour.

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  5. Moi aussi j'ai lu trois romans de cette auteure, trois romans que j'ai appréciés et celui-ci, je l'avais trouvé solaire.

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    1. Oui, il a cette dimension lumineuse en commun avec Un paquebot dans les arbres.

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  6. Je trouve les livres de cette autrice intéressants, mais il manque toujours un truc pour moi (j'en ai lu quatre je crois).

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    1. Je vois que tu y reviens tout de même régulièrement..

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  7. J'aurais pu écrire la même chose qu'Aifelle... J'avais pourtant aimé Un paquebot dans les arbres.

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    1. "Murène" a pas mal de similitudes avec "Un paquebot.." : des personnages lumineux, un combat à mener contre les coups durs de l'existence, et le style évidemment, reconnaissable, de Valentine Goby.

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  8. Je crains que j'aurais chipoté plus gravement que toi. Après être allé lire quelques extraits, oui pour le sujet, moins pour la forme.

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    1. J'ai eu l'occasion d'écouter Valentine Goby sur un salon, et ce qu'elle dégage est complètement en accord avec ses textes. C'est quelqu'un de très agréable à écouter, parce qu'elle a un discours riche, limpide et très structuré. Du coup, elle est aussi très agréable à lire, du moins pour moi, mais il y a en même temps quelque chose de trop "propre" dans son écriture pour que ses romans soient de vrais coups de cœur..

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  9. J'ai lu ce livre parce qu'il était de Valentine Goby dont j'aime beaucoup l'écriture, car, à priori, le thème ne m'attirait pas. Je dois dire que ça a était un gros coup de cœur et certainement un des plus beaux récit que j'ai lu ces derniers temps !

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    1. Bonjour Mary, et bienvenue ici.

      Votre enthousiasme fait plaisir à lire ! Comme je l'écris ci-dessus en réponse à Marie-Claude, j'aime moi aussi lire Valentine Goby, mais je crois que j'aimerais parfois plus de tension, de noirceur, dans son écriture.

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  10. j'aime bien retrouver sa plume j'ai beaucoup aimé "Un paquebot sur les arbres" et Kinderzimmer"
    celui-ciest dans mas PAL mais moins tentée alors je repousse toujours à plus tard :-)

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    1. IL devrait pourtant te plaire, si tu as apprécié Un paquebot dans les arbres.

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