"Code 93" - Olivier Norek

 "T’aimes pas trop la mort, toi. Pour un flic…"

Je découvre avec ce titre Olivier Norek, à propos duquel j’avais, je dois l’avouer, un a priori négatif sans doute principalement lié à son statut d’ex-flic (ouh la vilaine !). Il s’inspire d’ailleurs de cette expérience puisque Coste, son héros, est capitaine de la section des enquêtes et recherches de la SDPJ (Sous-direction de la police judiciaire) de Seine-Saint-Denis, où lui-même a exercé en tant que lieutenant.

L’intrigue démarre en empruntant plusieurs pistes, qui toutes participent d’emblée à plomber le récit d’une intensité morbide. Une mère et son fils refusent d’admettre que le cadavre atrocement défiguré qu’ils sont venus identifier est bien celui de leur fille et sœur ; un grand costaud émasculé déclaré mort par le médecin dépêché sur les lieux de son dernier calvaire, macabrement théâtralisé, se réveille en pleine autopsie ; on retrouve dans la cage thoracique d’une autre victime, qui présente des symptômes de combustion spontanée, un téléphone portable…

En parallèle, Coste reçoit des lettres anonymes où il est fait mention d’un mystérieux Code 93, dont l’auteur semble vouloir l’aider dans son enquête. Tout cela s’accompagne de changements au sein de son équipe : son plus proche collaborateur –"dix ans de 93", ça crée des liens-, cédant finalement à l’insistance de son épouse, est sur le point de partir se mettre au vert à Annecy. Il est remplacé par une femme -ce qui alimente les fantasmes d’un de ses coéquipiers dépourvu de toute finesse-, Johanna De Ritter, qui n’a jamais mis les pieds dans le 93, mais qui malgré sa jeunesse et une probité quelque peu naïve, montre une étonnante force de caractère, en même temps qu’elle déçoit les attentes de son nouveau collègue lorsqu’il découvre son physique d’armoire à glace… 

L’intrigue est menée tambour battant, portée par un style efficace mais éloquent, qui la densifie en imposant par des phrases brèves mais percutantes des images qui plantent le décor, la grisaille de la banlieue, l’aspect à la fois sordide et grouillant de ses poches de pauvreté…

La personnalité même du héros fait écho à une atmosphère qui, bien que très sombre, n’est pas complètement désespérée. Car si Coste, en plus d’encaisser la dureté quotidienne inhérente à son travail, traîne depuis un drame personnel culpabilité et douleur, il est aussi habité d’une empathie et d’une humilité -admettant sa propre part d’ombre- qui confèrent au texte une humanité salvatrice, tout comme la solidarité qui cimente les membres de son équipe, et l’humour qui agrémente leurs relations.

L’expérience d’Olivier Norek enfin, apporte à l’ensemble sa crédibilité -qu’il s’agisse des techniques d’investigation, de la réalité du terrain ou des dérives politiciennes de la mécanique judiciaire- d’autant plus qu’ayant l’intelligence de ne pas en faire étalage, il trouve le juste équilibre entre souffle romanesque et quête de véracité.

Si l’on occulte l’aspect parfois un peu foutraque de l’intrigue, qui à mon sens part dans trop de directions à la fois, c’est donc finalement plutôt une bonne surprise, et c’est avec plaisir que je retrouverai le capitaine Coste.


Petit Bac 2024, chez Enna, catégorie CHIFFRE

Commentaires

  1. J'an ai lu un, assez dur (migrants du côté de Calais) mais qui fait le job.

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    1. Oui, c'est "Entre deux mondes", je crois, qui me tente pas mal, amis je pense d'abord continuer la trilogie dont Code 93 est le premier volet.

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  2. J'avoue que j'ai aussi un apriori sur l'auteur mais je ne savais pas qu'il avait été flic. Le fait que l'intrigue se passe dans le 93 ne m'emballe pas non plus. Je n'ai pas envie de commencer l'année avec trop de noirceur. Je ne dis pas que je ne lirai jamais l'un de ses romans: j'aime bien un peu de glauque parfois et puis tu sembles avoir apprécié.

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    1. C'est noir mais pas que, j'ai justement trouvé qu'un des points forts du livre était l'équilibre trouvé entre la noirceur du contexte et la proximité avec des personnages qui donnent à l'ensemble, par leurs imperfections et leur complexité, une belle touche d'humanité.
      J'ai été agréablement surprise, en somme !

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  3. Bon, ben, moi, je retiens l'aspect foutraque de l'intrigue ... Ce qui est un excellent prétexte pour ne pas noter un titre de plus ... ^-^ !

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    1. Avec le recul, je me dis que le terme "foutraque" est sans doute mal choisi, parce que finalement, tout s'emboite logiquement, c'est juste qu'il court un peu trop de lièvres à la fois à mon avis, en abordant de nombreuses thématiques et aspects qui, certes, donnent sa dynamique à l'ensemble, et font qu'on ne s'ennuie jamais, mais qui empêchent d'en aborder certains avec la profondeur qu'ils mériteraient..

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  4. C'est Bernhard de "coquecigrue..." : j'aime bien le terme "foutraque" même si tu le récuse maintenant. Dans les 2 romans que j'ai lu de lui "Surface" et "Entre les deux mondes" il court 34 lièvres en même temps - du coup on est un peu "frustré" malgré le dynamisme qui se dégage de certaines situations.

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    1. Notre impression similaire sur ces trois titres révèle chez l'auteur une volonté d'exhaustivité, en parant ses intrigues d'un contexte riche, et sans doute fidèle à la réalité, comme le souligne Claudialucia dans son commentaire ci-dessous. C'est tout à son honneur, et bien que cela puisse nuire au traitement de certains aspects, peut-être plus négligés que d'autres, cela ne m'empêchera pas de continuer sa découverte !

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  5. Son statut de flic, justement, lui permet de savoir de quoi il parle ! C'est un auteur très intéressant qui fait le tableau de notre société dans les quartiers difficiles. Etre flic là-bas, c'est comme nettoyer les écuries d'Augias et il n'hésite pas à montrer les responsabilités politiques. Non, je n'ai pas trouvé que l'intrigue était foutraque ou si oui, c'est notre société qui l'est !

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    1. Je te rejoins complètement (après cette lecture !) sur le fait que d'être ex-flic est finalement un avantage qu'il sait utiliser à bon escient, comme je l'écris dans mon billet : cela apporte de la véracité, sans dimension démonstrative. Et je regrette un peu le terme choisi, tu l'auras compris... disons qu'aux deux tiers de l'intrigue environ, j'ai trouvé que ça partait un peu dans tous les sens, même si chaque pan trouve sa place dans la résolution finale...

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  6. Tiens, c'est drôle, j'ai été intriguée par Norek justement parce qu'il était flic et que je me disais que ses polars seraient certainement plus réalistes. Ma première pioche, Entre les mondes, a été très convaincante, j'ai adoré, mais immense déception avec Impact que j'ai trouvé écoeurant de bons sentiments. Je me suis donc pour l'instant arrêtée là avec cet auteur.

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    1. Mon conjoint en a lu plusieurs, et a trouvé Impact moins bon que les autres... en plus de la suite de la trilogie "du 93", j'ai "Les brumes de Capelans" sur ma pile, qui a eu un très bon accueil à sa sortie..

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    2. J'ai aimé Entre deux Mondes mais Impact (même s'il décrit des faits criminels quant à la pollution et à l'impact horrible sur la santé des populations, même s'il dénonce la responsabilité des multinationales ) est beaucoup moins réussi car il est trop démonstratif. Norek a oublié d'être romancier dans ce livre alors qu'il est un bon écrivain dans les autres !

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    3. Je vais donc laisser Impact de côté, les bémols à son sujet sont trop unanimes... et il y a de quoi faire avec ses autres titres..

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  7. Je suis d'accord avec ClaudiaLucia, son statut de flic était plutôt un atout pour moi au démarrage. Au moins il sait de quoi il parle, et je pense qu'il n'exagère pas certaines scènes bien trash. Le deuxième est dans la même veine et il va encore plus loin sur une forme de corruption des politiques. J'attends un peu avant de découvrir le 3e. J'ai aussi "Entre deux mondes" dans ma PAL. Mais en ce moment j'ai comme une overdose de noirceur, j'ai lu plutôt sucré pendant les fêtes.

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    1. En fait, ce qui me posait surtout question, c'était sa capacité de passer du métier de flic à écrivain... mais il s'en sort avec les honneurs, c'est vrai... et sa connaissance du terrain est incontestablement un avantage. Je vais aussi faire une pause avant d'attaquer la suite, mais c'est prévu sur du plus ou moins long terme.
      Ingannmic

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  8. C'est rare qu'avec tous les avis de lectrices "de confiance" je ne sois pas tentée, mais là, c'est le cas. J'ai même eu "Entre deux mondes" dans les mains, mais non, je ne l'ai pas commencé. Je retourne à mes polars étrangers...

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  9. je croyais avoir déjà mis un commentaire ! j'aime beaucoup cet auteur alors que je suis très difficile pour le genre.

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    1. Ah, une autre lectrice conquise par cet auteur que je boudais très injustement ! Et l'ayant rencontré sur un salon, je dois en plus avouer qu'il est charmant, et très intéressant...

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  10. pareil, je n'ai jamais eu envie de le lire, et ni son expérience, ni le lieu ne m'attirent. Je préfère mes polars étrangers (j'ai besoin d'évasion) mais ravie que toi tu aies aimé ! c'est toujours sympa d'être surpris dans le bon sens !

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    1. Mais oui, il y a parfois de bonnes surprises, quand on dépasse ses préjugés !

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  12. Le début est très glauque mais la suite m'a bien accrochée

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    1. J'ai justement bien aimé le démarrage de l'intrigue, qui m'a personnellement ferrée d'emblée... on est en effet immédiatement plongée dans une ambiance bien sombre !

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  13. J'aime bien Norek pour cette trilogie. "Entre deux mondes" fait aussi le job, même si de façon un peu plus grossière je trouve. Ses derniers sont par contre à mon goût moins réussis, trop caricaturaux, peut être parce qu'il s'éloigne justement de ce qu'il a vraiment connu et qui donne toute la saveur de ses premiers romans.

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    1. Ah je verrai ça : j'avais l'intention, après sa trilogie, de lire le récent "Les brumes de Capelans"...

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  14. Je me suis arrêtée à la trilogie que j'ai appréciée mais je n'ai ensuite plus eu l'envie de poursuivre.

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    1. Trois titres du même auteur, ce n'est déjà pas mal...

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  15. Ah, c’est une trilogie ? Je ne savais pas. Tu me donnes très envie de le lire, je l’ai acheté il y a très longtemps mais j’attends encore le bon moment.

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    1. Je crois que les 3 volets peuvent aussi se lire indépendamment les uns des autres. C'est en tous cas un bon polar, efficace -qui "fait le job" comme dirait Keisha- et bien plus abouti que ce soit à quoi je m'attendais :)

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  16. Bonjour Ingannmic, j'ai adoré la trilogie dans son ensemble. Code 93 la commençait bien. On sent que Norek connait son sujet. Bonne journée.

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    1. Bonjour Dasola, merci pour ton message, qui laisse augurer tout le plaisir que je prendrai à poursuivre cette trilogie !

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  17. J'ai beaucoup aimé ! il faut que je continue à lire la série du Capitaine Coste :)

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