"Blade Runner" - Philip K. Dick
"L'air matinal, chargé de particules radioactives qui le rendaient grisâtre et masquait le soleil lui rota au nez comme un renvoi d'évier bouché, et il ne put s'empêcher de renifler l'odeur de mort."
Mais qu’est-ce donc que ce "Blade Runner" ? C’est le nom donné à la brigade de chasseurs d’androïdes dont fait partie le héros du roman, Rick Deckard. Rick est un chasseur médiocre, dont les primes sont tout juste suffisantes à boucler les fins de mois, et ne parlons même pas de réaliser l’un des ses plus chers désirs : acquérir un véritable animal. Il doit donc se contenter d’un ersatz, un mouton électrique qu’il laisse brouter sur le toit de son immeuble. Les vivants sont quant à eux devenus si rares qu’ils sont hors de prix (et vendus sur catalogue), conséquence parmi d’autres de la dévastation qu’a causée un conflit nucléaire dont personne ne se rappelle pourquoi il a éclaté, ni qui l’a gagné. Depuis, le soleil a cessé de briller sur la Terre, dont la plupart des habitants ont émigré vers Mars, à l’occasion d’un programme de colonisation s’accompagnant de l’octroi à chaque colon d’un androïde du modèle de son choix. Certains d’entre eux, pour échapper à leur condition d’esclaves robotiques, fuient Mars après avoir tué leur propriétaire pour y rejoindre la Terre où ils tentent, comptant sur leur ressemblance de plus en plus parfaite avec les humains, de passer inaperçus. C’est là qu’interviennent Rick et ses semblables, dont la mission consiste à repérer puis à "retirer" ces rebelles. Or, l’un des meilleurs chasseurs de l’équipe ayant été blessé lors de sa dernière mission, Rick est chargé de la reprendre, avec l’espoir d’une rétribution qui lui permettra peut-être enfin d’acheter un animal en chair et en os.
Les épisodes de cette traque à l’androïde alternent avec ceux qui mettent en scène un autre personnage, John Isidore, qui appartient à la catégorie des "spéciaux", individus que les retombées nucléaires ont psychologiquement et intellectuellement diminués, que l’on a stérilisés et interdits de séjour sur Mars. Chauffeur livreur pour une clinique vétérinaire qui répare les animaux artificiels, il est le seul occupant d’un immeuble déserté jusqu’au jour où s’y installe une jeune et jolie locataire. Mais les tentatives d’approche de John Isidore se soldent par un accueil plutôt froid.
L’univers dans lequel nous immerge Philip K. Dick est désespérant, porté par une sombre ironie ciblant les dérives d’un capitalisme qui a conquis les derniers territoires de l’humanité. L’entropie y est reine, les slogans omniprésents. Pour combler le vide de leurs existences sans avenir, hommes et femmes tentent de communier par l’intermédiaire de boîtes à empathie au sein d’une nouvelle religion représentée par un gourou pathétique du nom de Mercer, ou suivent assidument L’Ami Buster, qui anime à coups d’éclats de rire et de moqueries au pied levé une insipide émission TV diffusée 70 heures par semaine, ces deux nouvelles idoles se battant pour le contrôle des consciences.
Il faut que je le relise : les images du film ont remplacé ma lecture... Merci pour cette participation.
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu le film, j'ai donc pu profiter de ma lecture sans être parasitée par ses images... mais je suis maintenant curieuse de son adaptation.
SupprimerJe n'ai jamais lu Dick et j'avoue que son univers SF qui m'a l'air très barré (ce que tu confirmes) m'effraie un peu. Je ne suis pas sûre que ce soit pour moi !
RépondreSupprimerC'est barré et en même temps ça a du sens, parce qu'on y reconnait une extrapolation de notre propre univers. Ce n'est donc pas très rassurant, mais on peu saluer la lucidité de Dick sur des sujets tels que l'influence de la technologie sur nos vies voire sur notre identité, ou sur la manière dont le consumérisme vampirise nos existences.
SupprimerTu te lances dans les classiques ! Je ne l'ai jamais lu, ni vu l'adaptation. Je ne suis pas sûre que ce soit pour moi...
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup K. Dick, je trouve que c'est un auteur et un personnage fascinants.. vu sa bibliographie, il m'en reste quelques dizaines de titres à lire, je me focalise pour l'instant sur ses plus connus. Et je n'ai pas vu le film non plus.
SupprimerLe titre original était pourtant extraordinaire... et je l'ai lu (en 2013!!!)
RépondreSupprimerNous sommes bien d'accord...
Supprimerjamais lu mais fan totale du film (la meilleure scène finale de tous les temps) j'ai acheté le roman mais en anglais avec le titre original il y a des années. Il faudrait que je le lise du coup !
RépondreSupprimerTu confortes mon envie de voir le film ! Je serais curieuse de savoir comment tu as appréhendé la lecture, le roman étant très différent, si j'ai bien compris, de son adaptation.
SupprimerAlors selon moi, "la meilleure scène finale de tous les temps" est celle de "La planète des singes"...
SupprimerPas vu non plus, j'ai d'énormes lacunes en matière de films d'action....
SupprimerIls auraient mieux fait de rebaptiser le film. Le titre original est beaucoup plus poétique et évocateur. Les boîtes à empathie sont une belle trouvaille !
RépondreSupprimerOui, et il y a aussi des diffuseurs d'humeur.. K. Dick est généralement très inventif !
SupprimerC'est moi ou, malgré le dernier mot du billet, tu n'as pas l'air enthousiasmée ?
RépondreSupprimerNous sommes plusieurs à nous tourner vers les classiques de la SF grâce à Sandrine.
Eh bien, il est vrai que je n'exprime pas mon enthousiasme de manière débridée, mais si, j'ai aimé... je suis rarement déçue par K. Dick, mais j'imagine qu'il y parmi sa bibliographie très profuse des titres dispensables. Je limite les risques en me tournant vers les plus connus.
SupprimerJ'ai vu le film qui m'a laissé une impression assez terrible ; je n'ai pas lu le livre et ton résumé me fait encore plus peur aujourd'hui qu'à l'époque du film.
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûre que tu y trouverais ton compte, en effet...
SupprimerJe l'ai lu il y a longtemps mais j'avoue qu'aujourd'hui ce sont les images du film, vu plusieurs fois, qui me restent en mémoire....
RépondreSupprimerDécidemment, il semblerait que le film ait fait de l'ombre au roman... il faut vraiment que je le regarde.
SupprimerPas vu le film mais a lire ton billet tu es raisonnablement emballée… alors je passe. As-tu un K.Dick accessible à me suggérer stp ? ( Une Comète)
RépondreSupprimerJ'ai aimé sans que ce soit un coup de cœur, peut-être parce que j'ai lu il y a peu un autre titre SF très inspiré de celui-là.... si je me fie à mes billets passés, j'ai une préférence pour "Coulez mes larmes, dit le policier". On y retrouve la thématique, chère à l'auteur, de la relativité du réel...
Supprimer@Une comète
SupprimerEn plus de ceux listés par Ingannmic en "annexe" de son billet, quelques suggestions:
* Glissement de temps sur Mars
* Un recueil de nouvelles titré "Minority report" ou Tpotal Recall" selon les éditions (il contient entre autres les deux nouvelles qui ont fait un triomphe au cinéma)
* Un autre recueil titré "Un vaisseau fabuleux et autres voyages galactiques"
Merci pour ce complément, je note aussi ! Je retiens notamment le recueil de nouvelles pour l'activité d'Alexandra, et quitte à se focaliser sur les textes ayant donné lieu à des adaptations ciné...
SupprimerLà encore, je n'ai pas lu le livre mais j'ai vu l'adaptation... dont je ne me souviens plus très bien. Il faudrait peut-être que je me penche sur la version initiale !
RépondreSupprimerIl faut le lire en gardant à l'esprit qu'il date de 1966 : certains détails sont peut-être un peu datés (notamment celui de la colonisation de Mars), mais les réflexions que l'auteur tire de son sujet sont complètement d'actualité. Et puis il y a l'humour cynique de Dick...
SupprimerMoi j'ai un peu de mal avec Philip K Dick. Je sais qu'à chaque fois, j'ai du mal à rentrer dans son univers, après ça se passe bien (je crois), mais je ne garde quasi aucun souvenir de mes lectures... Pas lu Blade Runner en tout cas, ça c'est sûr, mais j'ai du mal à me laisser tenter (et pas vu le film qui ne m'a jamais tentée non plus).
RépondreSupprimerJe crois que je préfère ceux où il remet en cause la réalité, plutôt que ses histoires avec des robots, mais à part un titre, que j'ai trouvé très mauvais (Les clans de la lune alphane), ses lectures ne m'ont jamais déçue..
SupprimerTu dois voir la planète des singes, sans doute le plus ancien, ah oui cette scène finale!!!
RépondreSupprimerCa en fait, des séances de rattrapage ciné... quand vais-je trouver le temps de lire, avec ça ?! :)
SupprimerJe n'ai ni vu le film ni lu le roman qui me fait un peu peur mais il a l'air bien plus accessible que je le pensais et les thèmes évoqués clairement d'actualité. Quant à faire des animaux vivants une denrée rare et donc précieuse, j'espère que ça restera de la fiction ne concevant pas ma vie sans un animal à mes côtés même si je ne doute pas qu'un mouton électrique doit posséder son propre charme :)
RépondreSupprimerOh oui, c'est très accessible, et surtout les intrigues de Dick sont généralement prétexte à des réflexions qui résonnent avec force dans notre monde d'aujourd'hui... pour les animaux, je viens de lire "Lettre au dernier grand pingouin" de Jean-Luc Porquet (et qui, coïncidence, évoque en fin d'ouvrage ce titre de K. Dick), et j'avoue qu'il ne m'a pas laissée très optimiste (il y est question du processus en cours d'extinction de la plupart des espèces vivantes)...
SupprimerJ'ai vu le film, que j'ai beaucoup aimé, mais ça fait longtemps, il serait temps que je le revoie. Et il y a la musique aussi, superbe.
RépondreSupprimerUne raison supplémentaire pour le voir, donc...
Supprimerj'ai hâte que le challenge science fiction s'arrête car je crois bien que cet auteur a fait partie des auteurs qui m'ont dégoûtée du genre.
RépondreSupprimerMais ce n'est pas comme si tous les billets étaient consacrés à la SF... ou à Philip K. Dick...
Supprimerpas du tout mon genre... j'avais entendu ce nom de Blade runner, je sais au moins ce que c'est maintenant, merci :)
RépondreSupprimer"pas du tout mon genre" : tu parles de SF en général ou de ce titre en particulier ?
SupprimerJ'ai très envie de me lancer avec cet auteur mais je ne le fais pas. Peur de ne pas adhérer du tout alors je reporte inlassablement...
RépondreSupprimerIl a écrit beaucoup de nouvelles, tu peux le tester sur un format court..
SupprimerLe titre original était extraordinaire, comme le souligne Keisha. Dans une période propice à la SF, je le lirais volontiers. Il se peut d'ailleurs que je l'aie lu dans les années 1970... et je n'ai pas (encore) vu le film.
RépondreSupprimerJe lis assez peu de SF, mais dans le genre, K. Dick est un incontournable.
SupprimerCoucou ! Je partage ton sentiment sur le changement de titre ! Je n'ai pas lu celui-ci, mais Ubik du même auteur, et j'avais été assez perdue, et surtout énervée par l'univers très masculin de l'auteur. Il faut que je passe ce cap pour me mettre au reste de son œuvre !
RépondreSupprimerJe crains que tu retrouve à chaque fois cette dimension en effet masculine... il faut passer outre, oui, replacer l'auteur dans son époque.. ses interrogations sur les limites et les dangers de la technologie, sur la manière dont le consumérisme affadit le sens de nos existences sont vraiment intéressantes.
SupprimerBonsoir Ingannmic, je ne connais que le film et donc il faudrait que je lise le roman un jour. Philip K Dick était en effet un visionnaire mais ce n'est pas joyeux. Bonne soirée.
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