"Tout ce bleu" - Percival Everett
"Les métaphores sont comme la peinture à l’huile : quand on dilue on perd le contrôle".
En naviguant entre ces trois épisodes de la vie du héros, l’intrigue dévoile peu à peu l’ampleur de ses doutes et de ses questionnements. Parce qu’il faut bien dire qu’au départ Kevin Pace, atteint d’une sorte de passivité émotionnelle et d’une réserve qui le met à distance de ses proches comme du lecteur, suscite peu d’empathie.
Derrière la sérénité trompeuse que peut laisser supposer sa nature peu expansive, de subtils indices témoignent d’un mal-être que lui-même peine à identifier : son addiction ponctuelle à l’alcool, ses questionnements sur le sens de sa vie, la légitimité de son couple ou ses relations avec ses enfants. Et que révèle cet évitement systématique du bleu dans ses œuvres, cette couleur que tout le monde aime, qui représente la confiance, la loyauté, mais le met terriblement mal à l’aise, et qu’il ne sait maîtriser ?
Ses interrogations sur l’art sont elles aussi permanentes : doit-il être utile ? Et si oui à qui ? Au public ou à l’artiste ? Doit-il être une consolation ou un exutoire ? Que vaut l’œuvre d’un artiste qui l’estime lui-même sans valeur ? Car le succès que connait Kevin lui paraît surestimé, face à des tableaux qu’il juge de plus en plus prévisibles, et ce sentiment d’être illégitime en tant qu’artiste constitue autant une insulte qu’une blessure. On devine d’ailleurs que l’élaboration de son œuvre cachée est une tentative de produire de l’art pour lui-même, indépendamment de toute contrainte liée à sa diffusion, à sa valeur mercantile.
Quant aux deux secrets ramenés de ses séjours au Salvador et à Paris, ils ne se révèlent finalement pas si importants que celui qui a de manière inconsciente accompagné toute sa vie de couple, et qu’il ne s’avoue à lui-même que bien tardivement, en réalisant que la plupart des choix qu’il a faits -se marier, avoir des enfants, se montrer responsable et conforme à un modèle parental acceptable- étaient davantage guidés par la volonté de répondre à une certaine normalité, que parce qu’il les souhaitait vraiment.
Les pistes de réflexion initiées par Percival Everett sont pour la plupart très intéressantes, mais pâtissent de l’éparpillement conséquent à son choix narratif. En alternant ainsi les époques, son intrigue adopte un rythme qui l’empêche souvent de traiter ses sujets en profondeur, et de donner une véritable consistance à son personnage, même si la dernière partie, plus longuement focalisée sur le présent, compense un peu.
Et cette lecture me permet de compléter une deuxième ligne du Petit Bac 2021 d'Enna (catégorie "couleur").
Mais oui, Je dois ocntinuer à la lire!!! Trop top cet auteur.
RépondreSupprimerJe ne te contredirai pas : je l'adore ! J'ai vu dans ton index que tu avais lu Effacement (mon préféré) et Désert américain. je te conseille Blessés (non chroniqué car lu avant le blog) ou Pas Sydney Poitier pour continuer.
Supprimerun auteur dont j'ai beaucoup aimé Effacement mais ne n'ai rien lu d'autre pour le moment
RépondreSupprimerComme je l'écris ci-dessus en réponse à Keisha, Effacement est mon titre préféré de l'auteur, mais d'autres sont excellents aussi !
SupprimerJe ne l'ai encore jamais lu... Quel titre me conseillerais-tu pour commencer?
RépondreSupprimerBlessés ou Effacement, sans hésiter !
SupprimerAh, l'éparpillement! À trop s'éparpiller, on oublie de focuser!
RépondreSupprimerJe me rabattrai sur Effacement pour la découverte!
Mais c'est bon aussi, de s'éparpiller parfois.. et il ne faut pas passer à côté d'Effacement !
SupprimerJe me souviens l'avoir rencontré à un festival America, et même d'avoir assisté à un débat avec lui, mais je ne l'ai pas lu. A réparer ...
RépondreSupprimerJ'aimerais beaucoup le rencontrer, je suis sûre qu'il est très intéressant, si j'en juge par ses œuvres..
SupprimerTotalement inconnu et je note Effacement comme tu l'indiques..... :-)
RépondreSupprimerTrès bonne idée, ce roman a été un tel coup de cœur que je l'ai classé dans les premières places de mon Top 100 !
SupprimerComme d'autres je découvrirai donc cet auteur avec un autre titre...
RépondreSupprimerEt il y a de la matière !
Supprimerje n'ai encore jamais lu les romans de cet auteur et le thème me plaît alors je me le note ainsi que "Effacement" ... Et plus si affinité :-)
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te donnera envie d'aller plus loin, mais je n'ai pas trop de doute !
SupprimerTrès tentée. J'aime les histoires de peintres...
RépondreSupprimerIl devrait te plaire alors, car il pose d'intéressantes questions sur la création. Et c'est un auteur à découvrir.
SupprimerJamais lu l'auteur même si nom revient assez souvent. J'ai été lire ton billet sur Effacement, mais je n'ai pas envie de ça en ce moment ..LOL
RépondreSupprimermais je le note quand même ! mes envies changent !
Je ne sais pas s'il te conviendrait. Ah si ! Si tu le lis, fais-le avec Blessés, il devrait te plaire.
Supprimerça a quand même l'air de partir un peu dans tous les sens cette affaire. Du coup je ne suis pas plus tenté que ça.
RépondreSupprimerCelui-là, oui, est un peu trop "éparpillé" comme l'écrit Marie-Claude. mais c'est sinon un auteur à découvrir, vraiment. Et je te donnerais le même conseil qu'à Electra : Blessés est un excellent roman. Le lien vers le très vieux billet qui m'a donné envie de le lire : https://chatsdebiblio.blogspot.com/2008/04/blesss-percival-everett.html
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