"Le couteau" - Jo Nesbø

"Il n’y avait pas dans le monde assez d’alcool pour feinter cette douleur."

Harry Hole est emblématique d’un certain type de policiers romanesques qu’affectionneraient, si l’on en croit le Dictionnaire amoureux du polar de Pierre Lemaître, les auteurs nordiques : alcooliques, dépressifs, leur vie personnelle est au mieux chaotique, au pire désastreuse. Il précise que la lecture de vingt pages de Jo Nesbø lui donne envie de mourir… Je peux le comprendre. Je ne sais pas si l’auteur a des comptes à régler avec ce personnage qu’il nous fait suivre depuis vingt-sept ans, mais on a l’impression qu’il s’acharne un peu, quand même.

Au début de ce douzième opus de la série, voilà Harry, une fois de plus, au fond du trou. Rakel, l’amour de sa vie, celle grâce à qui il avait trouvé un autre but dans sa vie que la traque obsessionnelle des criminels, vient de le mettre dehors après avoir appris une vieille infidélité. Après une nuit de beuverie, il se réveille d’un quasi coma sans aucun souvenir des événements à l’origine du sang qui recouvre ses mains et ses vêtements.

Côté professionnel, il a beau être, grâce à son intuition et sa ténacité, l’un des plus célèbres (ce dont il se passerait bien) policiers de Norvège, sa fâcheuse tendance à sortir des clous lui a valu d’être pour un temps cantonné aux affaires classées. Et sa brillante carrière ne l’a pas laissé indemne. Les criminels qui lui ont échappé, la détresse des victimes, les collègues dont il porte la culpabilité de la mort, alimentent ses cauchemars… 

Mais le pire reste à venir… (et là, il y va fort, le Nesbø).

L’enquête, autour d’un meurtre et d’agressions sexuelles, est comme toujours riche de nombreuses ramifications. 

On y retrouve Svein Finne, premier criminel qu’Harry a fait mettre sous les verrous. Les vingt ans de prison qu’il a purgés ne l’ont pas guéri de sa perversion. Dorénavant septuagénaire, il a conservé toute sa ruse et son agilité, et est toujours en quête de jeunes femmes à qui faire porter, de force, sa descendance… il a par ailleurs juré de se venger d’Harry. Une autre vieille connaissance fait sa réapparition en la personne de Kaja Holness, qu’Harry a quittée des années auparavant pour Rakel. Cette ancienne policière est de retour d’Afghanistan où elle a longtemps travaillé pour le compte de la Croix-Rouge. Inutile de compléter la liste des protagonistes qui s’invitent dans l’intrigue. Une fois encore, Jo Nesbø orchestre son foisonnement avec maestria, imbriquant peu à peu ses différents pans avec une cohérence sur laquelle il était difficile de parier au départ.

C’est toujours avec plaisir que je retrouve Harry Hole et ses enquêtes, assurée d’y trouver moult rebondissements, héros complexes et torturés, faux coupables et vrai(s) méchant(s) dont on ne découvre l’identité qu’à la toute fin… J’ai d’ailleurs dévoré les presque 700 pages (loupé, pour les Epais) de ce 13e opus en moins d’une semaine. J’avoue pourtant avoir pour la première fois éprouvé une certaine lassitude face à la redondance de la mécanique narrative et des épisodes dépressifs du héros. Disons que ce titre -qui reste un excellent polar- est sans doute parfait pour ceux qui n’auraient pas encore fait le tour de la série, et à condition de ne pas saturer des policiers soiffards et cafardeux…

La série Harry Hole sur le blog : L'homme chauve-souris - Les cafards - Rouge-gorge - Rue Sans-Souci - L'étoile du diable - Le sauveur - Le bonhomme de neige - Le léopard - Fantôme - Police - La soif

Autres titres de Jo Nesbø : Chasseurs de têtes - Leur domaine

Un pavé, chez Sibylline et Moka…

… et une participation à Lire scandinave, chez Céline.